La Cour européenne des droits de l’homme a refusé de suspendre en urgence la peine d’inéligibilité prononcée contre Marine Le Pen.
Un revers judiciaire de plus pour la figure du Rassemblement national, dont les ambitions politiques restent plus que jamais suspendues à un fil juridique. Ce mercredi, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a annoncé le rejet de la demande de mesure provisoire déposée par Marine Le Pen, la veille, dans l’espoir de faire suspendre sa peine d’inéligibilité. Cette demande visait à garantir ses droits politiques dans l’hypothèse d’une dissolution soudaine de l’Assemblée nationale.
Mais la CEDH a jugé que « l’existence d’un risque imminent d’atteinte irréparable » à ses droits n’était pas démontrée, condition nécessaire pour l’application de l’article 39 de son règlement. Une décision qui prive, pour l’instant, la cheffe de file du RN de la possibilité de briguer un nouveau mandat électoral, en cas de scrutin anticipé.
Une épée de Damoclès en cas de dissolution
Marine Le Pen avait saisi la juridiction européenne en urgence, redoutant une éventuelle décision d’Emmanuel Macron de dissoudre à nouveau l’Assemblée, ce qui l’aurait empêchée de se présenter. Elle estimait que sa condamnation — bien qu’en appel — constituait déjà une atteinte grave à ses droits politiques.
Sur le réseau X (ex-Twitter), elle a réagi à la décision de Strasbourg en ces termes :
« L’atteinte à mes droits n’est pas imminente, ce qui serait le cas en revanche si intervenait une dissolution. » Elle rappelle également que la CEDH est saisie « au fond », sur l’absence de recours effectif contre l’exécution immédiate de la peine d’inéligibilité, même en cas d’appel.
Une condamnation lourde au cœur du débat
Pour mémoire, le 31 mars dernier, le tribunal correctionnel de Paris a reconnu Marine Le Pen coupable d’avoir organisé un « système » de détournement de fonds publics européens. Entre 2004 et 2016, une trentaine d’assistants parlementaires du Front national auraient été rémunérés par le Parlement européen alors qu’ils travaillaient en réalité pour le parti.
Le préjudice est évalué à 4,4 millions d’euros, une somme considérable. La décision de justice a abouti à une condamnation à quatre ans d’emprisonnement, dont deux ferme, et une peine d’inéligibilité. Vingt-quatre autres prévenus, dont le RN en tant que personne morale, ont également été condamnés dans ce dossier tentaculaire. La moitié d’entre eux ont fait appel — tout comme Marine Le Pen.
Une exécution immédiate malgré l’appel
La spécificité de cette affaire réside dans le caractère exécutoire de la peine d’inéligibilité, même en cas de recours. Une situation que Marine Le Pen et son entourage dénoncent depuis des semaines, estimant que cette exécution provisoire est une atteinte grave à l’équité procédurale.
C’est précisément ce point que ses avocats ont décidé de porter devant la CEDH dans le cadre de la procédure « au fond ». Une décision de cette dernière ne pourrait cependant intervenir que dans plusieurs mois, bien au-delà d’éventuelles échéances politiques nationales.
Une séquence judiciaire à fort impact politique
Cette décision européenne intervient alors que les regards sont déjà tournés vers la présidentielle de 2027, pour laquelle Marine Le Pen est perçue comme une candidate majeure, voire la favorite. La confirmation — ou l’annulation — de sa peine d’inéligibilité pourrait conditionner son avenir politique immédiat.
En attendant, la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale reste fragilisée, juridiquement et symboliquement. Si son appel est confirmé dans les mois à venir, elle pourrait voir s’éloigner ses chances d’accéder un jour à l’Élysée.
Mais à l’inverse, si l’exécution provisoire venait à être jugée illégitime ou annulée, la décision de ce mercredi pourrait n’être qu’un simple contretemps. Le bras de fer judiciaire est donc loin d’être terminé.