Longtemps perçu comme une maladie masculine, l’infarctus touche aujourd’hui de plus en plus de femmes.
Pourtant, ses symptômes spécifiques chez elles sont encore trop souvent ignorés – par le grand public comme par certains professionnels de santé. Une méconnaissance qui peut coûter cher. L’un des grands pièges de l’infarctus chez les femmes est l’atypie de ses manifestations. Contrairement aux hommes, chez qui l’infarctus s’annonce fréquemment par une douleur thoracique brutale irradiant dans le bras gauche, les femmes ressentent parfois des signes bien moins caractéristiques, comme une simple gêne dans la poitrine, un essoufflement à l’effort ou une fatigue soudaine et inhabituelle.
Le Pr Claire Mounier-Véhier, cardiologue au CHU de Lille et cofondatrice de l’association Agir pour le Cœur des Femmes, explique que ces signes peuvent aussi prendre la forme de troubles digestifs, de brûlures dans la gorge ou d’un malaise évoquant une crise d’angoisse. Des manifestations floues, qui retardent souvent l’appel aux secours et la prise en charge médicale, avec à la clé une perte de chances parfois dramatique.
La moitié des symptômes sont spécifiquement féminins
Un chiffre saisissant : près de 50 % des symptômes liés aux maladies cardiovasculaires chez les femmes ne sont pas les mêmes que chez les hommes. Pourtant, dans l’imaginaire collectif – y compris médical –, le cœur malade a un visage masculin, avec des signes bien identifiés. Résultat : une femme qui décrit une fatigue à l’effort ou des douleurs diffuses est souvent moins prise au sérieux, comme le déplore Thierry Drilhon, également cofondateur de l’association.
« Reposez-vous, prenez du paracétamol », voilà souvent ce qu’on leur répond », déplore-t-il, tandis qu’un homme présentant des douleurs thoraciques sera immédiatement orienté vers un spécialiste. Ce biais genré dans la reconnaissance des symptômes amplifie l’inégalité de diagnostic et de traitement.
Une tolérance à la douleur qui brouille les signaux
À cette méconnaissance des signes spécifiques s’ajoute un facteur biologique et culturel : les femmes tolèrent généralement mieux la douleur que les hommes, selon les observations cliniques. Cette résilience peut, paradoxalement, masquer la gravité d’une atteinte cardiaque, la patiente continuant à vivre avec ses symptômes jusqu’à un stade critique.
Ainsi, le dépistage arrive souvent trop tard, alors qu’une prise en charge précoce aurait pu éviter les complications. Le cœur des femmes souffre en silence, et la société tarde à lui prêter attention.
Des facteurs de risque liés au quotidien des femmes
Loin d’être le fruit du hasard, l’infarctus féminin est souvent la conséquence d’un enchaînement de facteurs aggravants. Stress chronique, surcharge mentale, alimentation déséquilibrée, tabac, antécédents familiaux, sédentarité, cholestérol ou hypertension : autant d’éléments qui convergent et fragilisent le système cardiovasculaire.
Le Pr Mounier-Véhier souligne le poids du quotidien : « L’infarctus ne tombe pas du ciel. Chez les femmes, on retrouve fréquemment une accumulation de pressions sociales et psychologiques », en plus des facteurs biologiques classiques. Ces constats renforcent l’importance d’une approche spécifique et genrée de la prévention.
Prévenir l’infarctus : des gestes simples, mais essentiels
Bonne nouvelle malgré tout : 8 infarctus sur 10 pourraient être évités, selon les spécialistes. La prévention repose sur une hygiène de vie équilibrée, avec des gestes connus mais trop souvent négligés : arrêt du tabac, surveillance du taux de cholestérol, gestion du stress, activité physique régulière, alimentation saine.
Mais au-delà des conseils généraux, il est urgent d’adapter la sensibilisation aux femmes, de mieux former les professionnels à la lecture des symptômes féminins, et de renforcer le dépistage ciblé.