Alors que l’inflation fragilise le pouvoir d’achat et que les habitudes de consommation évoluent, le modèle traditionnel de la rémunération mensuelle semble de plus en plus remis en question.
Porté par une nouvelle génération de salariés en quête de souplesse, le débat sur le versement plus fréquent des salaires gagne du terrain jusque dans les couloirs de l’Assemblée nationale.
En matière de salaire, tout dépend du poste, des responsabilités et du secteur d’activité. D’après une étude de l’Insee publiée en décembre dernier, un salarié du secteur privé perçoit en moyenne 2 730 euros nets par mois à temps plein. Mais les écarts entre les catégories socioprofessionnelles restent très marqués : les cadres gagnent en moyenne 4 570 euros, les employés 1 960 euros, et les ouvriers environ 2 030 euros. Du côté de la fonction publique, la rémunération moyenne s’élève à 2 530 euros nets mensuels, selon les données de 2022.
Vers la fin du salaire unique mensuel ?
Au-delà du montant, c’est désormais la fréquence du paiement qui interpelle. Un sondage OpinionWay commandé par la plateforme Stairwage révèle que 63 % des salariés souhaitent pouvoir débloquer leur salaire plusieurs fois dans le mois. Cette attente grimpe à 75 % chez les moins de 35 ans, révélant un besoin croissant de flexibilité financière. « C’est une évolution sociale majeure », commente Yann Le Floch, fondateur de Stairwage, qui y voit une réponse concrète aux difficultés de gestion budgétaire rencontrées par de nombreux actifs.
Un héritage des années 1970 en voie d’épuisement
La mensualisation du salaire, instaurée sous Georges Pompidou dans les années 70, avait pour but d’améliorer la stabilité des revenus des ouvriers. Mais aujourd’hui, le contexte a changé. Le Code du travail autorise déjà la demande d’un acompte à partir du 15 du mois, correspondant à 50 % du salaire déjà gagné. Une disposition peu utilisée, en partie à cause de sa lourdeur administrative, et que beaucoup de salariés ignorent. C’est pour cette raison qu’un projet de loi est en préparation.
Une réforme soutenue par les parlementaires
Le député parisien Jean Laussucq souhaite moderniser ce système, en déposant une proposition de loi visant à élargir les possibilités d’acomptes mensuels. Pour lui, la fréquence actuelle ne correspond plus aux attentes : « Il y a une grande attente de flexibilité, surtout chez les jeunes générations. » L’idée est d’autoriser un versement possible dès le 7, le 14 et le 21 du mois, équivalant à une rémunération quasi hebdomadaire, sans justification à fournir.
Démocratiser un droit encore trop méconnu
Aujourd’hui, beaucoup de salariés ne savent même pas qu’ils peuvent demander un acompte. D’autres n’osent pas, de peur d’être jugés. Le projet de loi vise aussi à améliorer l’information autour de ce droit et à démystifier la démarche, encore perçue comme marginale ou honteuse. Une autre proposition, déposée par le député Corentin Le Fur, allait encore plus loin : elle suggérait que la base de rémunération soit fixée dès la signature du contrat, avec la possibilité d’un paiement bimensuel si les deux parties sont d’accord.
Une tendance déjà palpable sur le terrain
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Stairwage a observé une hausse de 35 % des demandes d’acomptes entre octobre et novembre 2024, avec un montant moyen de 256 euros (+20 % en un mois). Ces données confirment un changement profond dans le rapport au salaire : les Français souhaitent désormais être payés plus souvent, en fonction de leurs besoins réels, plutôt que de suivre une logique rigide établie il y a plus de cinquante ans.