Les propos de François Bayrou sur les médicaments liés aux ALD ont fait réagir, voire bondir certains assurés. En réalité, cette déclaration révèle autant un flou politique qu’un enjeu technique souvent mal compris du grand public.
Pour bien saisir ce qui est en jeu, il faut plonger dans le fonctionnement du système d’Affection Longue Durée et ses subtilités de remboursement. Le système des affections de longue durée (ALD) est crucial dans le paysage de santé français. Il permet de rembourser à 100 % les soins liés à certaines pathologies graves et chroniques, comme le cancer, la sclérose en plaques, ou encore le diabète. Ces pathologies figurent dans une liste officielle de 30 maladies, appelée ALD 30. En 2023, près de 14 millions de Français étaient concernés par ce dispositif.
Mais attention : seuls les soins directement liés à la pathologie déclarée en ALD sont pris en charge à 100 %. Tout le reste – y compris certains médicaments ou consultations de routine – est remboursé selon le barème classique de l’Assurance maladie. Autrement dit, être en ALD ne signifie pas que tout est automatiquement gratuit, et nos lecteurs ont raison de le souligner.
Il existe également des ALD non exonérantes, accordées pour des maladies chroniques sans traitement coûteux. Dans ces cas-là, aucune prise en charge à 100 % n’est prévue, mais certains droits sont conservés : arrêts maladie prolongés, remboursement de certains transports, etc.
L’ordonnance bizone : un outil aussi technique que controversé
Pour distinguer ce qui relève ou non de l’ALD, les médecins utilisent une ordonnance spécifique dite « bizone ». Celle-ci se divise en deux parties :
La zone haute, pour les soins en lien avec l’ALD, remboursés à 100 %
PUBLICITÉ:La zone basse, pour les soins sans rapport direct, remboursés au taux normal
En théorie, le système est clair. Mais en pratique, les choses se compliquent. Beaucoup de traitements ne se rattachent pas de manière évidente à une seule pathologie. Et les médecins, parfois dans le doute ou par souci de simplification, inscrivent tout en zone haute, faisant ainsi rembourser certains médicaments au taux maximal… alors qu’ils ne devraient pas l’être.
En 2011, une réponse ministérielle reconnaissait déjà ce flou : il est difficile d’établir scientifiquement une frontière rigide entre « lié » et « non lié » à l’ALD. Les contrôles sont rares : à l’époque, 112 médecins seulement avaient été inspectés pour usage abusif de la bizone. Le sujet est donc ancien et sensible, tant pour les professionnels que pour les assurés.
Ce que Bayrou a vraiment dit… et ce que cela implique
Le 15 juillet 2025, lors de sa présentation du projet de Budget 2026, François Bayrou a déclaré vouloir « mettre fin au remboursement des médicaments sans lien avec l’ALD », ainsi que de ceux « à faible effet médical ». Ce propos a été perçu par beaucoup comme une remise en cause brutale des acquis des malades chroniques.
Or, les médicaments hors ALD ne sont déjà pas remboursés à 100 %, sauf en cas d’erreur ou d’abus. L’annonce de Bayrou ne correspond donc pas à une réalité nouvelle, mais à une volonté de mieux encadrer ou de « nettoyer » l’usage de l’ordonnance bizone. L’exécutif veut visiblement resserrer les critères de remboursement intégral, en excluant les traitements jugés peu utiles ou mal justifiés.
Le cabinet de Matignon, contacté par Ouest-France, évoque l’idée d’une réforme visant à réévaluer le « panier de soins » pris en charge, en se basant sur le lien direct avec la pathologie et le service médical rendu. Ce qui pourrait impliquer, à terme, moins de médicaments remboursés à 100 %, même pour les patients en ALD.
Vers une réforme à l’automne… ou pas
Pour l’heure, rien n’est encore voté. Ce projet de réforme du remboursement devra être intégré à la loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, qui sera débattue à l’automne au Parlement. Et comme pour tout budget, de nombreuses mesures peuvent être modifiées, ajournées, voire abandonnées, en fonction du contexte politique et social.
D’ici là, les associations de patients, les syndicats de médecins et les professionnels de santé sont en alerte, redoutant une nouvelle restriction de l’accès aux soins pour les personnes souffrant de maladies chroniques. Le principe de solidarité du système de santé est au cœur du débat : faut-il faire des économies sur ceux qui en ont le plus besoin ?