Alors que la rigueur budgétaire s’impose dans tous les secteurs, les privilèges accordés aux anciens chefs de l’exécutif cristallisent une fois de plus les tensions.
En refusant de supprimer ces avantages coûteux, la commission mixte paritaire a relancé un débat politique aussi symbolique que sensible. C’est une initiative portée par la sénatrice centriste Nathalie Goulet qui a ravivé le débat : celle de supprimer, via un amendement, les lignes budgétaires finançant les avantages des anciens présidents et Premiers ministres. Véhicules avec chauffeur, bureaux, secrétariats : des prestations qui, selon elle, n’ont plus lieu d’être à l’heure où l’État réclame des efforts à tous. « Franchement, personne n’est aux Restos du cœur », a-t-elle ironisé, pointant les retraites confortables et les activités privées souvent lucratives des anciens dirigeants.
Mais cette volonté de rationaliser les dépenses a buté sur la résistance de la commission mixte paritaire, chargée d’harmoniser les positions de l’Assemblée et du Sénat. Le 31 janvier, le couperet est tombé : l’amendement a été rejeté, maintenant le statu quo pour un dispositif dont le coût annuel atteint 2,8 millions d’euros.
Des arguments qui divisent au sommet de l’État
La proposition n’a pas seulement été rejetée, elle a aussi déclenché des prises de position tranchées. François Bayrou, haut-commissaire au Plan, a défendu le maintien de ces privilèges, au nom d’une certaine stabilité institutionnelle. Selon lui, ces figures de l’exécutif doivent pouvoir continuer à jouer un rôle, être consultées, et disposer pour cela d’un cadre digne. « Il faut bien qu’il y ait dans l’État des choses stables », a-t-il souligné, appelant à ne pas précariser les anciens dirigeants, au risque d’affaiblir l’image de l’État lui-même.
Une ligne que rejette catégoriquement Nathalie Goulet, pour qui l’époque exige de la cohérence et de la sobriété. À ses yeux, ces privilèges renvoient à une époque révolue où la haute fonction publique se protégeait dans un entre-soi intouchable. « Il y a une forme d’injustice budgétaire à maintenir ces dépenses alors que des millions de Français voient leurs allocations ou services publics se réduire », estime-t-elle.
Qui bénéficie aujourd’hui de ces avantages ?
Parmi les bénéficiaires de ce dispositif figurent des figures toujours influentes de la sphère publique. Côté anciens Premiers ministres, Édouard Philippe et Bernard Cazeneuve en bénéficient toujours, tout comme les anciens présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande, pour lesquels l’État prend en charge les loyers de bureaux et les frais de personnel.
Ces avantages comprennent également l’usage de chauffeurs, de véhicules officiels, voire de secrétariats permanents, dans un cadre défini mais peu transparent. À cela s’ajoutent les dispositifs de sécurité spécifiques, eux aussi financés sur fonds publics, bien qu’ils soient davantage liés à l’évaluation de la menace.
Une bataille budgétaire reportée à 2026
Si l’épisode parlementaire de janvier 2025 marque un coup d’arrêt provisoire à la volonté de réforme, la sénatrice Goulet n’entend pas en rester là. Elle annonce déjà son intention de relancer l’amendement lors du débat budgétaire 2026, espérant cette fois bénéficier d’un contexte plus favorable. D’autant que la question avait déjà été effleurée à l’automne 2024 par Michel Barnier, sans aboutir à une quelconque réforme.
Le sujet s’inscrit dans une dynamique plus large de rationalisation des dépenses publiques, où chaque ligne budgétaire commence à être scrutée. À l’heure où des choix difficiles sont faits dans les domaines de la santé, de l’éducation ou des aides sociales, ces 2,8 millions d’euros interrogent l’opinion publique.