Le bras de fer s’intensifie entre les sapeurs-pompiers volontaires et le gouvernement. Selon nos informations, leur syndicat national s’apprête à déposer plainte contre le Premier ministre démissionnaire, Sébastien Lecornu, pour “excès de pouvoir”. Au cœur de la discorde : l’application partielle d’une loi votée en 2023, censée améliorer leurs droits à la retraite.
Vendredi 10 octobre 2025, le syndicat des sapeurs-pompiers volontaires, dirigé par Bruno Ménard, a décidé de passer à l’offensive judiciaire. Il accuse Sébastien Lecornu d’avoir outrepassé ses prérogatives en modifiant, par simple annonce, les modalités d’un dispositif voté par le Parlement.
« Une loi a été votée et doit être respectée. Le Premier ministre n’est pas libre de la modifier comme bon lui semble », dénonce Bruno Ménard sur BFM Business.
Cette plainte, déposée pour excès de pouvoir, vise directement la décision de Matignon d’introduire une bonification de trimestres de retraite qui n’est pas conforme, selon le syndicat, à la loi du 14 avril 2023.
Une réforme promise mais jamais appliquée
Le texte en question — issu de la très controversée réforme des retraites de 2023 — prévoyait à son article 24 que les pompiers volontaires ayant accompli dix années de service bénéficient d’un avantage retraite sous forme de trimestres supplémentaires.
La disposition était claire : « Les assurés ayant accompli au moins dix années de service […] ont droit à des trimestres supplémentaires pris en compte pour la détermination du taux de calcul de la pension. »
Pourtant, plus de deux ans après le vote de la loi, aucun décret d’application n’a été publié au Journal officiel. Sans ce texte, la mesure reste lettre morte.
Un décret fantôme et une colère qui monte
Le 6 octobre, Matignon a pourtant publié un communiqué annonçant qu’à partir de 2026, les pompiers volontaires bénéficieraient d’un trimestre offert après quinze ans de service, puis d’un trimestre supplémentaire tous les cinq ans, dans la limite de trois trimestres.
Un dispositif que le syndicat juge illégal et contradictoire avec la loi votée.
Selon Bruno Ménard, cette nouvelle version « dénature l’esprit du texte » et pénalise les volontaires qui servent leur commune pendant de longues années. Il dénonce un « bricolage administratif » qui contourne le travail parlementaire.
Le syndicat a d’ailleurs accompagné sa plainte d’un recours en carence adressé à Matignon. Dans ce document, il estime que l’absence prolongée de décret « porte atteinte au principe d’effet utile de la loi » et constitue « une rupture d’égalité devant les charges publiques ».
Des promesses non tenues depuis plus d’un an
Le décret attendu aurait dû être publié en décembre 2023, selon le calendrier prévisionnel de l’Assemblée nationale. Plusieurs parlementaires avaient déjà interpellé le gouvernement sur ce retard.
Le député Horizons du Nord, Jean Moullière, rappelait encore en août dernier qu’en mai 2025, François-Noël Buffet, alors ministre délégué à l’Intérieur, s’était engagé à publier le texte avant fin juin. Une promesse non tenue.
« En août 2025, le texte n’a toujours pas été publié. Il est temps que l’État tienne parole », écrivait-il dans une question écrite adressée au gouvernement.
Contacté par BFM Business, le cabinet du Premier ministre n’a pas répondu aux sollicitations des journalistes. Le silence de l’exécutif alimente l’exaspération des pompiers, qui estiment avoir été « trahis » après des mois de patience.
Pour Bruno Ménard, ce combat dépasse la question des trimestres : « C’est une question de respect de la loi, de reconnaissance du volontariat et de confiance envers l’État. »