Alors que la France débat de l’incarcération inédite d’un ancien président, la polémique enfle jusque dans les rangs de la magistrature.

Une prise de parole publique d’une juge sur LinkedIn a déclenché une vive réaction du ministère de la Justice, révélant les tensions entre indépendance judiciaire et communication politique.
Mardi, Nicolas Sarkozy a été incarcéré à la prison de la Santé, à Paris, pour purger sa peine de cinq ans de prison dont une partie ferme dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. Peu après son incarcération, la magistrate Magali Lafourcade a publié un message virulent sur LinkedIn, s’indignant de la réception de l’ancien président par Emmanuel Macron et de la visite annoncée du garde des Sceaux. Selon elle, ces gestes symboliques créent une confusion entre “le justiciable Sarkozy et l’ancien président de la République”, et “nourrissent un sentiment d’inégalité devant la justice”.
Une critique cinglante des conditions de détention

Dans son message, Magali Lafourcade est allée plus loin, dénonçant un “traitement de faveur” réservé, selon elle, à Nicolas Sarkozy. Elle a rappelé que la France est régulièrement épinglée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour ses conditions carcérales jugées “inhumaines ou dégradantes”, tout en notant que “seul le détenu Sarkozy, en cellule individuelle dans un quartier VIP d’une maison d’arrêt refaite à neuf, intéresse les politiques”. Une charge frontale qui a suscité l’indignation du ministère de la Justice, lequel a décidé de réagir publiquement.
La réponse sèche du ministère de la Justice
Sacha Straub-Kahn, porte-parole du ministère, a répondu directement à la magistrate sur le même réseau : “Votre message est particulièrement confus”, écrit-il, avant d’ajouter que sa position “ne l’autorise pas à diffuser de fausses informations”. Selon lui, Nicolas Sarkozy ne bénéficie d’aucun privilège, mais d’une “détention adaptée” destinée à assurer sa sécurité, “comme nombre d’autres détenus à l’isolement”. Le représentant du ministère souligne aussi qu’il est normal que le garde des Sceaux visite régulièrement les établissements pénitentiaires, rappelant qu’il le fait “plusieurs fois par semaine” pour rencontrer détenus et personnels.
Un rappel au devoir de réserve

Le ton du porte-parole s’est encore durci lorsqu’il a rappelé à la magistrate le devoir de réserve et de neutralité inhérent à sa fonction. “N’hésitez pas à faire preuve de la mesure qui accompagne le devoir de réserve”, a-t-il insisté, tout en corrigeant une autre affirmation de la juge : “La France n’a jamais été condamnée par la CEDH pour des actes de torture.” Ce recadrage public, rare entre deux institutions censées coopérer, illustre les crispations profondes entre magistrats et exécutif depuis le début de cette affaire.
Une détention exceptionnelle et controversée
Condamné le 25 septembre à cinq ans de prison dont une partie ferme, Nicolas Sarkozy a été reconnu coupable d’association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen, mais relaxé des charges de corruption et de financement illégal de campagne. L’ancien président, accompagné par ses avocats Jean-Michel Darrois et Christophe Ingrain, a immédiatement déposé une demande de mise en liberté. Pour les juges, son incarcération immédiate était justifiée par la “gravité exceptionnelle” des faits. Pour lui, elle serait motivée par “la haine”.










