Onze ans après sa disparition brutale, le souvenir de Benoît Duquesne demeure vivace dans les mémoires du monde journalistique. Figure emblématique du service public, il avait su imposer une rigueur intransigeante et un humanisme discret. Jusqu’à ses derniers instants, il incarna une certaine idée du journalisme, faite de respect, de précision et de vérité.
Le 3 juillet 2014, à Saint-Germain-des-Prés, Benoît Duquesne enregistre ce qui deviendra sa toute dernière émission. Sous les feuillages d’une petite placette du 6e arrondissement, il accueille Bernard-Henri Lévy pour un entretien musclé et dense, tel qu’il les aimait. Professionnel jusqu’au bout des ongles, comme le décrira plus tard le philosophe, le journaliste impressionne par sa préparation, sa rigueur et son élégance naturelle. L’échange, vif mais respectueux, laisse transparaître une forme d’admiration mutuelle. BHL confiera plus tard avoir envisagé une amitié naissante avec cet homme « blagueur, pince-sans-rire, mais toujours honnête ».
Quelques heures plus tard, l’émission enregistrée, Benoît Duquesne regagne sa péniche, amarrée sur la Seine à L’Île-Saint-Denis. C’est là, au matin du 4 juillet, qu’un collègue le retrouve sans vie. Il avait succombé à une crise cardiaque. Il n’avait que 56 ans.
Une figure du journalisme public fauchée en plein élan
La disparition de Benoît Duquesne provoque un choc immédiat dans les rédactions et au sein du grand public. L’Élysée, par la voix de François Hollande, salue « un journaliste rigoureux et exigeant qui incarnait la liberté d’information ». Manuel Valls rend hommage à « un grand professionnel, passionné de politique et profondément attaché au service public ».
Ses collègues ne cachent pas leur stupeur. « Rien ne laissait imaginer qu’il aurait un tel pépin », souffle Yvan Martinet, journaliste à Complément d’enquête. Robustesse, dynamisme, rigueur : tout en lui évoquait une longévité encore longue dans le métier.
Un adieu digne d’un homme respecté
Le 10 juillet 2014, des centaines de personnes se rassemblent à l’église Jeanne-d’Arc de Versailles pour lui rendre hommage. Parmi elles, les visages familiers de l’info : Gilles Bouleau, David Pujadas, Jean-Pierre Elkabbach, Laurent Delahousse. Tous viennent saluer la mémoire d’un confrère, mais aussi soutenir une famille anéantie. Son épouse, Élisabeth, et leurs quatre enfants – Pierre, Marie, Mélanie et Mathilde – sont présents, dignes dans la douleur.
L’émotion est palpable dans cette assemblée où s’entrechoquent le deuil personnel et la perte collective. Car Benoît Duquesne, au-delà de ses qualités professionnelles, était aussi ce collègue bienveillant, ce père attentionné, ce mari discret et fidèle.
Un héritage vivant, transmis à travers ses enfants
Les années ont passé, mais la passion du journalisme continue de courir dans les veines de la famille Duquesne. Marie, l’une de ses filles, travaille depuis plusieurs années à BFMTV. Reporter de terrain d’abord, elle a ensuite rejoint la direction éditoriale de la chaîne locale à Nice, où elle transmet à son tour ce qu’elle a sans doute hérité de son père : le goût de l’information, le sens de la responsabilité, la rigueur sans dogmatisme.
En mai 2025, elle est invitée par les étudiants de l’École de journalisme de Nice (EDJ), pour évoquer son métier, mais aussi ce qu’il représente. Un legs paternel, transmis avec pudeur mais détermination.
Un vide laissé dans le paysage médiatique
Le décès de Benoît Duquesne a laissé un vide immense dans l’univers du journalisme d’enquête. Il n’était pas un simple visage de l’info, mais un artisan du contenu, un homme de terrain, une conscience journalistique. À la tête de Complément d’enquête, il avait su allier profondeur, confrontation et éthique. Il incarnait un service public encore exigeant, intègre, passionné.
Onze ans après sa disparition, son souvenir reste gravé dans les esprits de ses collègues, des téléspectateurs et de ses proches. Ce dernier plateau avec Bernard-Henri Lévy, enregistré quelques heures avant sa mort, résonne comme un testament de sa méthode : le sérieux sans froideur, la critique sans haine, l’intelligence sans complaisance.