Dans un contexte politique marqué par l’incertitude et les démissions en cascade, la voix de Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de la Caisse nationale de l’Assurance maladie, résonne comme un avertissement.
Mardi 7 octobre, Marguerite Cazeneuve a publié un message d’une rare franchise pour une haute fonctionnaire. Sur LinkedIn, elle s’adresse à la classe politique dans un texte qu’elle qualifie elle-même de “post de politique générale”. “Nous, agents publics, sommes garants de la continuité de l’État”, commence-t-elle, avant de souligner que l’instabilité actuelle fragilise les institutions et met à l’arrêt de nombreux chantiers essentiels.
Dans un ton grave, la numéro deux de la Cnam dépeint un système de santé au bord de la rupture : “L’Assurance maladie est exsangue, les patients inquiets, les professionnels en attente de revalorisations, l’hôpital aveugle, nos projets à l’arrêt.” Son message, à la fois lucide et désabusé, dénonce une situation d’enlisement où les réformes peinent à voir le jour.
Le spectre d’un virage politique radical
Mais c’est surtout son alerte contre la montée de l’extrême droite qui a retenu l’attention. Selon elle, une éventuelle dissolution de l’Assemblée nationale risquerait d’ouvrir la voie à un changement brutal de cap. Elle évoque sans détour le programme annoncé par le Rassemblement national : “Suppression de l’aide médicale d’État, fin des prestations sociales pour les étrangers, démantèlement de l’audiovisuel public, abandon des politiques de la ville et des énergies renouvelables.”
Marguerite Cazeneuve met en garde contre un effondrement des valeurs républicaines, et compare cette trajectoire à celle observée “de l’autre côté de l’Atlantique”, en référence à la politique menée par Donald Trump. “Adhésion à l’internationale de l’autocratie, anéantissement de la science, musellement des médias…” écrit-elle, dressant un parallèle glaçant avec la régression des droits fondamentaux, notamment en matière d’avortement.
Un appel désespéré au compromis
Face à ce climat politique instable, la dirigeante appelle les partis à trouver un terrain d’entente. “Aucune force politique n’est en mesure de renverser la table. Recherche compromis désespérément”, lance-t-elle. Elle reconnaît que le budget à venir sera sans éclat, mais plaide pour un minimum de stabilité : “Il sera décevant pour tous, mais préservera l’essentiel — ni les riches, ni les pauvres, ni les étrangers ne seront sacrifiés.”
Cet appel s’inscrit dans un contexte tendu où le Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu tente de bâtir un consensus fragile avant un nouveau remaniement. Dans cette atmosphère d’incertitude, la parole de Marguerite Cazeneuve tranche : elle incarne la voix d’une administration lucide, inquiète pour l’avenir du système de santé français.
Un plan d’économies à haut risque
Dans la dernière partie de son message, la responsable de la Cnam défend les recommandations issues du rapport “Charges et produits” présenté à l’été 2025. Ce document, qu’elle compare à un “Conclave de la santé”, prévoit 3,9 milliards d’euros d’ajustements pour 2026. Une somme en deçà des 5,5 milliards évoqués par François Bayrou, mais qui illustre l’ampleur de l’effort demandé.
Le rapport propose notamment de réduire la durée des arrêts de travail de plus de 15 jours et d’allonger la période de carence de trois à sept jours, une mesure potentiellement compensée par les employeurs via les contrats de prévoyance. Pour Marguerite Cazeneuve, ces pistes, bien que limitées, représentent “déjà un pas dans la bonne direction” dans un contexte budgétaire étouffant.
La technicienne devenue voix citoyenne
Épouse de l’ancien ministre de la Santé Aurélien Rousseau, Marguerite Cazeneuve n’est pas une inconnue du monde politique, mais sa prise de parole publique sort du cadre habituel de la réserve administrative. En rompant le silence, elle traduit l’exaspération d’une partie de la haute fonction publique, confrontée à un État fragmenté et paralysé.
 












