À Bourg-lès-Valence, une union amoureuse se heurte à un mur administratif. Un couple franco-tunisien se voit refuser le droit de se marier par la maire de la commune, Marlène Mourier, malgré l’absence de preuve d’irrégularité.
Une décision controversée qui relance le débat sur la liberté matrimoniale, le rôle des maires et la lutte contre les mariages dits « de complaisance ». Prévue pour ce samedi 17 mai, la cérémonie de mariage entre Sylvie, une Française de 49 ans, et Bilel, un Tunisien de 35 ans, n’aura pas lieu. En cause : le refus de la maire de Bourg-lès-Valence de célébrer l’union, malgré l’autorisation légale. Marlène Mourier estime que le mariage est « insincère » et soupçonne un arrangement visant à régulariser la situation administrative de Bilel, en situation irrégulière. Une position qui va à l’encontre des conclusions de l’enquête menée par les services de l’État, lesquels n’ont relevé aucune infraction ni élément suspect.
Un couple qui affirme sa sincérité
Dans leur petit appartement, Sylvie prépare malgré tout les festivités avec émotion. « Mon cœur palpite », confie-t-elle, entourée de sa robe de mariée et des alliances. Le couple affirme vivre ensemble depuis huit mois dans la commune, partageant un quotidien simple et joyeux. « Ce n’est pas un mariage blanc. Sinon je lui aurais dit Ciao ! », affirme Sylvie. Quant à Bilel, il reconnaît sa situation délicate, mais insiste : « Si je ne l’aimais pas, je ne serais pas là. »
Une accusation fondée sur un entretien contesté
La maire s’appuie sur les propos rapportés par une adjointe lors d’une audition préalable au mariage. Selon elle, Bilel aurait exprimé vouloir se marier pour obtenir des papiers, ce qui suffirait à qualifier l’union de complaisance. Fort de cela, Marlène Mourier déclare ne pas vouloir « être complice » et préfère s’exposer aux sanctions légales plutôt que de célébrer ce qu’elle considère comme un abus du droit au mariage.
Un geste aux conséquences juridiques lourdes
Ce refus place Marlène Mourier en porte-à-faux avec la loi. Un maire ne peut s’opposer à un mariage qu’en cas de menace à l’ordre public ou de preuve avérée de fraude. En agissant ainsi, l’élue s’expose à une peine allant jusqu’à cinq ans de prison, 75 000 euros d’amende et une possible inéligibilité. Consciente de ces risques, elle affirme vouloir « protéger » la mariée, qu’elle juge en situation fragile. « C’est mon devoir », insiste-t-elle.
Des services de l’État en désaccord
Le procureur de la République, tout comme la préfecture, n’ont relevé aucune infraction dans le parcours de Bilel. Aucune procédure d’éloignement n’a été entamée, et aucune charge ne pèse contre lui. Le procureur précise qu’aucun élément ne permet de justifier un refus de célébrer le mariage. Il déplore au passage le fait que les soupçons exprimés par la mairie reposent sur une appréciation subjective et non sur des faits vérifiables.
Un débat politique plus large
Ce dossier relance un débat déjà ancien sur le pouvoir des maires face aux demandes de mariage jugées « suspectes ». Marlène Mourier demande une réforme du droit matrimonial, plaidant pour davantage de latitude dans l’examen des dossiers. Elle reçoit le soutien de Nicolas Daragon, maire de Valence et président de l’Association des Maires de France dans la Drôme, qui déclare : « Il est inadmissible que la parole des maires ne soit pas entendue et qu’on les considère comme de simples exécutants. »