Derrière les hauts murs de la prison de Vendin-le-Vieil, une réalité carcérale radicalement différente s’est installée. Présentée comme un bastion contre les narcotrafiquants les plus redoutés de France, cette prison de haute sécurité, désormais opérationnelle, impose un quotidien d’une austérité sans précédent à ses détenus.
Récit d’un isolement volontairement extrême, dénoncé par les avocats et assumé par l’État. Depuis ce jeudi 31 juillet, la prison de haute sécurité de Vendin-le-Vieil est officiellement entrée en fonction. Ce centre ultra-sécurisé, situé dans le Pas-de-Calais, est destiné à accueillir une centaine de narcotrafiquants jugés parmi les plus influents et les plus organisés du pays. Si les détenus sont encore peu nombreux à ce stade, le cadre carcéral mis en place affiche clairement sa rigueur.
Pas d’activités, pas de sport, pas de cantine étoffée : les prisonniers y vivent dans un dépouillement rigoureusement encadré. Une stratégie assumée, censée éviter toute recomposition de réseaux depuis l’intérieur des murs.
Des conditions de détention très strictes
Maître May Sarah Vogelhut, avocate parisienne, défend l’un de ces détenus fraîchement transférés. Elle décrit un quotidien réduit à l’essentiel absolu : « Mon client est seul dans sa cellule, il n’a droit qu’à une promenade quotidienne, avec deux autres détenus. Aucune autre activité ne lui est proposée. »
Même les conditions matérielles sont rigoureusement limitées. Transféré en pleine nuit, le détenu n’a pu emporter que le strict minimum. « Il n’a pas récupéré ses affaires personnelles, et il est peu probable qu’on les lui restitue intégralement. » Le mobilier de la cellule est basique, sans confort superflu : douche, toilettes, lit, et rien de plus.
La cantine réduite à peau de chagrin
L’un des rares agréments possibles pour les détenus – la cantine – est elle aussi réduite au strict minimum. « Mon client aimait cuisiner, c’était pour lui un moyen d’occuper ses journées », explique l’avocate. Mais à Vendin-le-Vieil, les produits disponibles sont rares. « Il n’a eu droit qu’à des aiguillettes de dinde et des lardons », ajoute-t-elle.
Quant aux repas standards servis par l’établissement, le verdict du détenu est sans appel : « la gamelle est dégueulasse ». Là encore, l’isolement va jusqu’à l’assiette.
Des liens familiaux presque impossibles à maintenir
Le lien avec l’extérieur est limité à deux appels téléphoniques hebdomadaires, le jeudi et le samedi, sur des créneaux horaires bien définis. « Ce sont des horaires contraignants, il faut que les proches soient disponibles à ces moments précis », déplore Maître Vogelhut. Les visites physiques se feront derrière hygiaphone, une fois par week-end, mais uniquement sur réservation anticipée.
Seules les visites d’avocats restent relativement libres, bien qu’elles soient soumis à des contrôles poussés, que l’avocate qualifie d’inédits : dépôt des objets personnels, passage au scanner, surveillance renforcée. « Je n’avais jamais vu un tel niveau de contrôle dans une prison », affirme-t-elle.
Une ligne assumée par le gouvernement
Face aux critiques croissantes venues des milieux juridiques, l’Association des avocats pénalistes a saisi le Conseil d’État pour dénoncer les atteintes aux droits fondamentaux que pourraient induire ces nouvelles conditions de détention. Mais le gouvernement maintient le cap.
Interrogé sur place, le ministre de la Justice Gérald Darmanin a défendu cette fermeté avec aplomb : « Le Parlement a voté, le Conseil constitutionnel a validé. Nous appliquons ce qui protège les Français. » Une réponse ferme, qui assume une approche carcérale fondée sur l’isolement des profils à haut risque, au détriment d’un accompagnement classique par la réinsertion.
Une rupture assumée avec le modèle pénitentiaire français ?
Le modèle Vendin-le-Vieil marque une infraction majeure aux principes habituels de la prison française, fondée jusqu’ici sur l’équilibre entre sécurité et dignité. Ici, la logique est purement préventive et dissuasive, pensée pour neutraliser les capacités de nuisance de certains détenus.
Mais à trop vouloir couper les prisonniers du monde, ne risque-t-on pas de créer un modèle carcéral opaque, source d’injustices et de tensions nouvelles ? Derrière les murs de cette prison d’élite sécuritaire, c’est tout un débat sur la finalité de l’enfermement qui ressurgit.