Il était l’homme en noir, le trublion du PAF, celui qui bousculait les formats et les invités sans jamais perdre son flegme.
Thierry Ardisson s’est éteint ce 14 juillet à l’âge de 76 ans, emporté par un cancer du foie. Une disparition qui endeuille le paysage audiovisuel français, tant sa voix, son ton, son style avaient marqué plusieurs générations.
Le choix du destin a quelque chose d’étonnamment théâtral : mourir un 14 juillet, jour de fête nationale, pour un homme connu pour son goût du faste et son attachement revendiqué à la monarchie. C’est Audrey Crespo-Mara, sa compagne, qui a confirmé la nouvelle à l’AFP dans un communiqué bouleversant : « Thierry est parti comme il a vécu. En homme courageux et libre. » Jusqu’au bout, entouré de ses enfants — Manon, Ninon, Gaston — et des siens, Ardisson aura gardé sa fidélité à la mise en scène, à l’élégance et au panache.
Un monument télévisuel à la plume acérée
Au fil des décennies, Thierry Ardisson a bâti une œuvre télévisuelle audacieuse et subversive, portée par son amour des mots, de la provocation intelligente et de l’entretien sans concession. De Lunettes noires pour nuits blanches à Salut les terriens !, en passant par Tout le monde en parle, il a offert au public des interviews cultes et une galerie d’invités parfois malmenés, mais toujours révélés. Son ton tranchant, sa diction millimétrée, son goût du contraste faisaient de lui un personnage à part. Il savait interroger sans filtre, séduire sans excès, choquer sans jamais tomber dans la vulgarité.
L’hommage touchant de ses complices
Les hommages se sont multipliés dès l’annonce de sa mort, comme autant de témoignages d’admiration et de tendresse. Philippe Corti, son DJ emblématique, a salué avec humour et émotion ce « dernier tour de passe-passe » : mourir le 14 juillet, « ça finira en feu d’artifice, comme sa vie ». De son côté, Laurent Baffie, avec qui il formait un duo implacable sur le plateau de Tout le monde en parle, a adressé une pensée directe et pudique : « Je pense à Audrey, à Manon, Ninon et Gaston, et surtout, je pense à toi… »
Christine Bravo : la mémoire d’une époque libre
Mais c’est sans doute Christine Bravo qui a livré l’hommage le plus vibrant et personnel, en évoquant le Thierry de ses débuts, celui des années Frou-frou. À travers une prose mélancolique et poétique, la journaliste a rappelé l’époque où ils n’étaient encore que des inconnus fougueux, fêtards et insouciants, partageant des nuits de bringue entre journalistes et artistes. Elle parle d’un Ardisson généreux, provocant mais profondément humain, de moments suspendus sur une plage corse, d’une époque joyeuse et flamboyante, « avec Roda-Gil, Gainsbourg et Lacroix » en toile de fond. Et elle conclut en remerciant Audrey, sa dernière compagne, « qui a ressuscité Thierry » ces dernières années.
Une figure médiatique devenue culte
Au-delà de ses formules acérées et de ses lunettes noires devenues signature, Thierry Ardisson laisse derrière lui une empreinte indélébile dans la culture télévisuelle française. Il a donné leurs lettres de noblesse aux formats d’interview, osé des mises en scène visuelles et sonores innovantes, et surtout, il a défendu une certaine idée du journalisme de plateau : libre, exigeant, spectaculaire. Avec lui, la télévision était un art du verbe, une chorégraphie millimétrée entre impertinence et élégance.