La tension est montée d’un cran au Sénat. Rachida Dati, fidèle à sa réputation de ministre au franc-parler tranchant, n’a pas mâché ses mots face à une sénatrice socialiste.
À l’origine du clash : des gestes de la main perçus comme condescendants et une divergence de fond sur l’audiovisuel public. Une passe d’armes qui en dit long sur les fractures politiques… et sociales.
Le 10 juillet au soir, Rachida Dati défendait son projet de réforme de l’audiovisuel public devant les sénateurs. Loin d’un discours technique, la ministre de la Culture a livré une vision assumée : selon elle, les médias publics ne toucheraient plus les classes populaires, mais plutôt une élite. Citant l’exemple de France Info, elle a estimé que le média « ne marche pas » et a affirmé vouloir « rendre l’accès à l’information facile et simple », en allant « chercher les gens là où ils sont ».
Mais l’intervention d’une sénatrice socialiste, Marie-Pierre de La Gontrie, va provoquer la rupture. Alors que Rachida Dati parle, la sénatrice lui adresse un geste de la main, comme pour l’inviter à réfléchir à ses propos. Ce geste, jugé déplacé par la ministre, met immédiatement le feu aux poudres.
Un échange tendu, entre classe sociale et patronyme
Loin d’ignorer le geste, Rachida Dati interrompt son intervention pour recadrer publiquement la sénatrice. « Un peu de respect, madame de La Gontrie », lance-t-elle. Puis, sans détour : « Je ne suis pas votre femme de ménage. Peut-être que mon père ouvrier travaillait pour votre père, mais pas aujourd’hui. »
Le propos fait mouche, mêlant attaque personnelle, rappel de ses origines modestes et dénonciation d’une forme de condescendance sociale. Dati, connue pour son ton percutant et ses références biographiques assumées, poursuit : « Ce que vous avez fait, c’est un délit de patronyme », ciblant le nom à particule de sa rivale. Elle l’accuse d’avoir eu une attitude paternaliste, insistant sur leur différence d’expérience et de contact avec « les classes populaires ».
Les sénateurs réagissent, le débat se déplace
Face à cette prise de parole virulente, les réactions ne se font pas attendre. Laurence Rossignol, sénatrice socialiste, défend sa collègue et dénonce à son tour une attaque gratuite. Elle rappelle que Marie-Pierre de La Gontrie est élue du 13e arrondissement de Paris, un secteur populaire, contrairement au très bourgeois 7e arrondissement dont Dati est maire. Le débat prend alors des allures de joute symbolique entre deux représentations du peuple : l’expérience de terrain contre l’origine sociale revendiquée.
France Télévisions dans le viseur, encore
Quelques jours avant cette passe d’armes, Rachida Dati avait déjà semé la discorde lors de son passage dans l’émission “C à vous”. Face à Patrick Cohen, la ministre s’était montrée incisive, notamment à propos de l’enquête du Nouvel Obs révélant qu’elle aurait perçu des honoraires non déclarés de GDF Suez entre 2010 et 2011. La ministre avait balayé ces accusations, tout en multiplant les piques envers les journalistes et même la présentatrice Anne-Élisabeth Lemoine, évoquant des tensions internes supposées dans l’émission.
Cette intervention, jugée agressive par certains, a provoqué une réaction ferme de France Télévisions. Le 8 juillet, Delphine Ernotte, présidente du groupe, a déclaré : « Je suis toujours aux côtés de mes journalistes », réaffirmant son soutien aux équipes visées par les attaques de la ministre.
Une communication politique sous haute tension
L’affaire dépasse le simple accrochage parlementaire. Elle révèle la stratégie de Dati, qui s’appuie sur sa trajectoire personnelle pour incarner une voix dissidente au sein d’un monde politique qu’elle juge déconnecté. Mais elle alimente aussi un malaise persistant autour de son style, jugé parfois trop frontal, voire clivant.
Du Sénat aux plateaux télé, la ministre de la Culture semble déterminée à bousculer les codes, quitte à heurter ses adversaires. Reste à savoir si cette posture s’inscrit dans une stratégie de repositionnement personnel, ou si elle augure d’une nouvelle ère de tension entre le gouvernement et les médias.