Pendant des semaines, Karine Lellouche a vu sa vie basculer : de propriétaire sereine à victime d’une occupation illégale, elle raconte l’angoisse d’être dépossédée de son propre toit.

Son récit mêle traumatisme personnel, défaillances administratives et une amère facture financière — un cas emblématique des dérives du squat aujourd’hui. Après le décès de ses parents, Karine reprend le domicile familial à Arcachon puis met en vente la maison de sa grand-mère à Andernos pour régler les droits de succession. La promesse initiale d’un promoteur tombe à l’eau, une seconde offre — plus basse — est acceptée dans l’urgence. C’est le point de départ d’un engrenage : alors que les démarches avancent, la maison se retrouve occupée sans effraction apparente. Ce basculement brutal transforme une opération immobilière en un drame personnel, payé au prix fort par la propriétaire.
La découverte du squat et le premier choc administratif
La première alerte arrive par téléphone : un camion de la fibre stationné, volets ouverts, rideaux posés — suspicion de squatteur. Karine porte plainte immédiatement pour violation de domicile, mais la procédure se heurte au paradoxe du droit : les agents vérifient la version du présumé occupant et, faute d’effraction visible, les pouvoirs publics semblent contraints par la loi à la prudence. L’agent immobilier rapporte un nom sur la boîte aux lettres ; les recherches n’aboutissent pas. Peu à peu, l’occupation se durcit — planches aux fenêtres, pancarte « propriété privée » et comportements hostiles — et la propriétaire se retrouve dépossédée malgré ses droits légitimes.
L’huissier constate, la préfecture temporise

Face à l’urgence, Karine saisit l’autorité préfectorale et mandate un huissier : constatations réitérées, serrures neuves installées, témoins du voisinage et refus d’accueillir tout dialogue. Le rapport de l’huissier décrit une occupation active et agressive, mais la réponse administrative se révèle décevante : le préfet indique qu’aucune suite favorable n’est possible car le squatteur affirme que la maison « était ouverte » et qu’il n’existe pas de preuve contraire. Le propriétaire, paradoxalement, se voit renvoyé vers la voie judiciaire — lente, coûteuse et inadaptée à l’urgence d’une transaction immobilière.
Une vente perturbée et des pertes financières conséquentes
La promesse de vente contenait une clause de délivrance du bien libre de tout occupant ; la présence du squatteur pousse le promoteur à renégocier le prix à la baisse, puis finalement à trouver un compromis après intervention d’avocats. Le préjudice est chiffré : Karine perd environ 80 000 euros sur la transaction finale, un montant qui vient ronger l’héritage familial et la sécurité financière qu’avaient travaillée ses parents. Plus qu’une simple question juridique, l’affaire révèle l’impact économique direct que peuvent subir des propriétaires vulnérables face au squat.
De l’appel anonyme à la garde à vue : la spirale judiciaire
Alors que Karine tente d’éviter l’émotion et de laisser des proches gérer les visites, elle reçoit un appel mystérieux et, quelques semaines plus tard, se fait interpeller violemment à son domicile par la gendarmerie et placée en garde à vue pour association de malfaiteurs. Accusée sur la base des déclarations de deux hommes en garde à vue, elle subit fouilles, prélèvements d’ADN et photos, avant d’être renvoyée libre sans charge au terme de l’audition. Cette étape traumatisante souligne les failles d’une procédure où la victime peut momentanément basculer du statut de propriétaire à celui de suspect selon des éléments encore imprécis.

Témoignage d’un traumatisme durable
L’expérience laisse des traces profondes : insomnies, anxiété permanente, traitement médicamenteux, peur de la réapparition du squatteur. Karine décrit les moments les plus violents — l’arrestation, la cellule, la crise de panique — comme des étapes d’un traumatisme auquel elle n’était pas préparée. Sa fille, témoin de l’interpellation, partage le choc familial. Au-delà de la perte financière, c’est la dimension psychologique — la sensation d’être trahie par le système — qui marque le plus ; un sentiment d’injustice et d’impuissance face à des procédures longues et techniques.
Un profil de squatteur problématique et des indices troublants
Selon les éléments recueillis, le squatteur serait un homme d’environ trente ans, ancien militaire, déjà connu des services, et qui a su instrumentaliser la notion de domicile ouvert pour prétendre un droit d’occupation. Les voisins ont vu des déplacements réguliers à vélo ; l’huissier a entendu des cris et insultes lors de ses constats. Ce profil plaide pour une intervention plus rapide et coordonnée des autorités, mais heurte la réalité procédurale qui protège aussi — parfois trop — des occupants dont la situation peut être ambivalente.
Une faille systémique : abonnements et reconnaissance comme preuve d’occupation
Karine pointe une faiblesse concrète du système : les opérateurs (électricité, gaz, fibre) ouvrent des contrats sans exiger de preuve de propriété, ce qui confère au squatteur une légitimité opérationnelle quasi irréversible. Une fois abonnés, ces occupants exploitent la logique administrative pour rendre l’évacuation plus complexe. Elle appelle donc à une révision des pratiques des fournisseurs et à l’obligation d’exiger un titre de propriété ou un bail avant mise en service, afin d’empêcher l’appropriation frauduleuse facilitée par des démarches commerciales automatisées.
Au-delà du cas individuel, Karine réclame des mesures concrètes : procédures d’expulsion administrative plus rapides, renforcement des pouvoirs préfectoraux en cas d’occupation évidente, incitation pour les opérateurs à vérifier la propriété avant tout contrat, et dispositifs d’accompagnement juridique accessibles aux propriétaires modestes. Elle préconise aussi des voies de médiation efficaces et des interventions coordonnées gendarmerie-justice-services sociaux pour éviter que la victime ne devienne suspecte ou n’endure des années de procédure.










