À Cannes, Romane Bohringer est venue présenter son deuxième film, une œuvre intime et puissante sur le deuil maternel.
Mais au lieu de saluer son engagement artistique, une partie des internautes s’est focalisée sur son apparence physique, révélant une fois de plus la brutalité du sexisme et de l’âgisme qui frappent les femmes du cinéma.
C’est un moment fort que vivait Romane Bohringer sur la Croisette, le jeudi 23 mai, lors de la présentation en séance spéciale de son film « Dites-lui que je l’aime », adaptation du livre de Clémentine Autain, publié en 2019. L’ouvrage y évoque la perte précoce de sa mère, une douleur que la réalisatrice partage également. Les deux femmes, complices et solidaires dans ce deuil, ont pris la pose ensemble sur le tapis rouge, offrant une image rare de sororité et de sincérité. Pourtant, la réception médiatique n’a pas été à la hauteur de la puissance de leur message.
Des commentaires cruels qui ciblent le physique
À 51 ans, Romane Bohringer a été victime d’un flot de remarques misogynes et dégradantes, diffusées sur les réseaux sociaux à la suite d’une interview accordée au média Trois couleurs. Des commentaires violents tels que « Elle a pris cher », « On dirait une mémère » ou encore « Pas cool la ménopause » ont envahi les publications. Une salve d’âgisme ordinaire, qui reflète un mécanisme cruel : celui qui consiste à délégitimer une femme dès lors qu’elle ne correspond plus aux canons de beauté imposés.
Car ce que l’on tolère, voire valorise chez les hommes – rides, cheveux gris, transformation physique – est impitoyablement pointé du doigt chez les femmes. Dans le cas de Romane Bohringer, c’est son refus manifeste de céder aux diktats de la chirurgie qui semble déranger. Certains internautes lucides l’ont d’ailleurs souligné : « On a tellement l’habitude des actrices sous diktat de la chirurgie esthétique qu’on a oublié ce que c’était de vieillir », peut-on lire dans les commentaires. Vieillir naturellement devient un acte militant pour les femmes célèbres, et cela provoque, hélas, des réactions d’une violence révélatrice.
Des voix féminines de plus en plus nombreuses à dénoncer l’âgisme
Cette pression insidieuse, de nombreuses actrices y sont confrontées, à commencer par Andie MacDowell. Dans une interview pour Allure en mars 2025, elle dénonçait sans détour cette discrimination persistante : « On nous a fait un lavage de cerveau à ce sujet, on l’a accepté et transmis. » Même constat pour Kirsten Dunst, qui constate une raréfaction des bons rôles depuis qu’elle est devenue mère. L’actrice française Adeline Blondieau a, quant à elle, revendiqué son choix de rester naturelle, malgré les incitations à recourir à des injections dès l’âge de 33 ans. « Qui m’aime me suive ! », écrit-elle fièrement.
Romane Bohringer, une artiste libre avant tout
Au-delà des attaques, Romane Bohringer incarne une actrice-réalisatrice engagée, sincère, libre de ses choix artistiques comme de son apparence. En portant à l’écran un récit aussi personnel que « Dites-lui que je l’aime », elle rappelle l’essentiel : l’art, l’émotion, le vécu. Face à une société qui continue de juger les femmes sur leur âge plus que sur leur œuvre, elle oppose une œuvre forte, ancrée dans le réel, et un visage non retouché, porteur de vie et d’expériences.