Au cœur de l’Alsace, à Brumath, une immense usine attend toujours de s’animer. Érigée par le géant chinois Huawei, elle devait symboliser l’implantation industrielle de la marque en Europe et créer plusieurs centaines d’emplois. Des mois plus tard, les bâtiments restent vides, et le projet semble avoir été abandonné dans un silence pesant.

L’usine devait produire la nouvelle génération d’équipements 5G destinés au marché européen. Avec 52.000 mètres carrés répartis en quatre bâtiments, l’infrastructure impressionne par son ampleur. Pourtant, contrairement aux « dark factories » chinoises entièrement gérées par l’intelligence artificielle et sans présence humaine, ici aucun robot ne tourne, aucun convoyeur ne fonctionne, aucun ouvrier n’a pris son poste.
Le lieu semble figé dans l’attente, comme si la vie industrielle promise n’avait jamais commencé.
Une attente lourde pour les habitants
Pour les habitants de Brumath et ses environs, le projet représentait bien plus qu’un site industriel : il incarnait une perspective d’emploi et de dynamisme local. On parlait de 300 postes directs, sans compter l’activité induite pour les commerces de proximité. Une opportunité qui aurait changé le visage économique de la commune.
« On s’attendait à du passage, à des embauches, à du mouvement », regrette une commerçante située à quelques centaines de mètres de l’entrée du site. Son commerce aurait bénéficié d’un afflux nouveau de clients, aujourd’hui inexistant.

Le silence de Huawei interroge
Alors que l’ouverture était annoncée pour cette année, le mutisme de Huawei nourrit l’incompréhension. Ni campagne de recrutement, ni communication officielle, ni calendrier mis à jour : le projet semble suspendu dans une opacité totale. Les subventions publiques pressenties ont d’ailleurs été progressivement annulées, face à l’incertitude entourant l’avenir du site.
Certains habitants racontent avoir cherché à postuler, sans succès. « On m’avait parlé d’un conteneur où déposer son CV… Je ne l’ai jamais trouvé », confie une Brumathoise. Une attente devenue exaspération.
Un contexte géopolitique défavorable

Depuis l’annonce du projet, la situation internationale a nettement changé. L’Allemagne a décidé de bannir Huawei de son réseau 5G, invoquant des risques de sécurité. La France prévoit elle aussi de s’en détacher d’ici 2031. Dans ce climat de suspicion, l’implantation du groupe sur le sol européen est devenue de plus en plus fragile.
À cela s’ajoutent les conséquences d’une enquête en France pour atteinte à la probité, impliquant une ancienne élue régionale ayant négocié avec Huawei. Accusations de corruption, soupçons d’espionnage, pressions diplomatiques : l’image du groupe est lourdement écornée.
Un positionnement stratégique devenu impossible
Un élément pourrait avoir définitivement fait basculer la situation : la proximité du site avec un centre de renseignement militaire. Pour un fabricant d’infrastructures de télécommunication déjà scruté pour ses liens supposés avec Pékin, le symbole était sans doute trop risqué.










