La liberté d’expression d’un haut fonctionnaire vient de se heurter à la délicate frontière du devoir de réserve. Un commentaire virulent publié sur Facebook a mis le feu aux poudres.
Il émane de Philippe Deschamps, sous-préfet de Thionville, qui s’en est pris publiquement au travail des contrôleurs SNCF, provoquant une onde de choc dans le monde ferroviaire et au sein même de l’administration publique.
Tout est parti d’un article relayé sur Facebook par Les Échos, classant Trenitalia meilleure compagnie ferroviaire européenne. En réaction, Philippe Deschamps a publié un commentaire acerbe, fustigeant le comportement des contrôleurs de la SNCF.
Il les accuse notamment de ne « rien faire à part dormir dans leur compartiment », tout en louant l’efficacité des employés de Trenitalia, qui, selon lui, « ramassent les déchets, contrôlent plus vite et résolvent les problèmes des voyageurs avec le sourire ».
Le ton est tranché, voire méprisant. Il parle de contrôleurs français « qui se cachent pour en faire le moins possible », n’hésitant pas à affirmer qu’il évite les TGV dès qu’il le peut. Des paroles qui ont suscité une vague d’indignation parmi les agents SNCF et les syndicats ferroviaires, qui dénoncent un mépris injustifié à l’égard d’un personnel pourtant essentiel.
Le devoir de réserve mis en cause
C’est surtout la posture de Philippe Deschamps qui pose problème. En sa qualité de sous-préfet, il est tenu à un strict devoir de neutralité. Les fonctionnaires, particulièrement ceux occupant des postes d’autorité, ne peuvent pas exprimer librement des opinions susceptibles de nuire à une institution publique — a fortiori en utilisant leur nom et leur fonction officielle sur une plateforme publique.
En critiquant aussi frontalement une entreprise publique comme la SNCF, le sous-préfet a franchi une ligne rouge que le ministère de l’Intérieur pourrait difficilement ignorer. À ce jour, aucune mesure disciplinaire n’a été annoncée, mais l’affaire embarrasse l’administration, d’autant plus qu’elle intervient dans un contexte social déjà tendu dans les transports publics.
La colère des contrôleurs et la réaction des syndicats
Le personnel de bord n’a pas tardé à riposter. De nombreux contrôleurs se sont exprimés pour défendre la réalité de leur métier : une fonction exigeante, marquée par une gestion constante des voyageurs, des incidents techniques, des contrôles et parfois des conflits à bord.
Les syndicats ont dénoncé un « dénigrement public irresponsable » et exigent des excuses officielles. Certains demandent même que des sanctions soient prises contre Philippe Deschamps, estimant qu’un tel comportement met à mal la réputation du service public ferroviaire.
Une affaire symptomatique d’une défiance grandissante
Derrière cet incident se cache une problématique plus large : celle de la défiance croissante envers les agents publics. Qu’ils soient enseignants, soignants ou cheminots, nombreux sont ceux qui dénoncent un manque de reconnaissance, voire un mépris latent pour leurs missions. L’affaire Deschamps illustre cette fracture, en exposant le fossé entre les attentes des usagers et la réalité du terrain.