À moins de deux ans de la présidentielle, Dominique de Villepin sort du silence.
L’ancien Premier ministre lance un nouveau parti, « La France humaniste », avec l’ambition de dépasser les clivages traditionnels et de redonner une voix modérée au paysage politique français. Une initiative qui n’a pas tardé à provoquer des réactions musclées, notamment dans son ancien camp.
Ce lundi 23 juin, Dominique de Villepin a officialisé la création d’un nouveau parti politique baptisé « La France humaniste ». Dans une interview accordée au Parisien, l’ancien chef du gouvernement de Jacques Chirac explique vouloir proposer « un mouvement d’idées et de citoyens » pour sortir les Français de l’alternative « entre la radicalité de LFI et celle du RN ». Une volonté affichée de recréer un espace politique central, ni populiste ni extrémiste, face à ce qu’il qualifie de polarisation dangereuse du débat public.
Ce retour en politique active intervient dans un contexte de grande fragmentation électorale, où les candidatures se multiplient à droite comme à gauche. Villepin entend incarner une voie républicaine, universaliste, et modérée, un positionnement de plus en plus marginalisé dans le paysage actuel.
Des critiques virulentes, notamment à droite
Les réactions n’ont pas tardé à fuser, notamment dans son ancienne famille politique. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, interrogé sur LCI, n’a pas mâché ses mots : « Dominique de Villepin parle comme l’extrême gauche. Comme Monsieur Mélenchon. » Pour le sénateur, cette droite « faussement modérée » a contribué à affaiblir le camp républicain. Il ajoute : « Cette pseudo-droite qui parle comme la gauche, je la combats. »
Même ton de la part de Kevin Bossuet, chroniqueur sur CNews, qui l’accuse d’imposture : « Il se prétend de droite mais parle comme LFI. Il combat Israël, connaît mieux la vie des Qataris que celle des Français de Seine-Saint-Denis. Ce type est une farce. »
Paul Sugy, journaliste au Figaro, ironise également sur cette initiative, la qualifiant de « petite poloche pour nostalgique en mal de gloriole ». Une salve de critiques qui témoigne de l’hostilité d’une large frange conservatrice envers l’ancien Premier ministre, désormais perçu comme trop éloigné de ses racines politiques.
Des positions qui dérangent… même à droite
Depuis plusieurs années, Dominique de Villepin a multiplié les prises de position non-alignées, notamment sur le conflit israélo-palestinien ou la laïcité. Il avait déclaré que le port du voile islamique par des mineures n’était « pas forcément un signe de radicalisation », provoquant l’ire de ses anciens alliés.
Sa vision géopolitique, teintée d’universalisme et de critique des interventions occidentales, continue de susciter la controverse. Il s’est notamment opposé aux discours de fermeté affichés par la droite républicaine sur l’immigration, l’islam ou la sécurité.
Ainsi, même s’il se revendique toujours de droite, c’est aujourd’hui depuis une position très minoritaire qu’il s’adresse aux Français : celle d’un homme qui refuse les postures radicales, mais dont les références ne résonnent plus dans un climat politique dominé par les crispations identitaires.
La présidentielle en ligne de mire ?
Dominique de Villepin ne ferme pas la porte à une candidature en 2027. Même s’il n’a encore rien officialisé, son retour par la création d’un parti politique, couplé à une multiplication d’interventions médiatiques, laisse peu de place au doute. Son positionnement pourrait séduire une frange modérée, déçue par les partis traditionnels ou réfractaire aux extrêmes.
Mais l’espace politique qu’il vise semble étroit. Face à un paysage profondément recomposé, la bataille s’annonce rude, d’autant plus qu’il devra convaincre à la fois une partie de la droite républicaine, du centre, et même d’anciens électeurs de gauche en quête d’une troisième voie.
Une tentative d’incarner un héritage oublié
La France humaniste pourrait bien être la tentative ultime de Dominique de Villepin de redonner vie à une tradition gaullienne universaliste, aujourd’hui marginalisée. Son combat n’est pas sans rappeler celui de certains centristes, souvent pris en étau entre macronisme affaibli et radicalité montante.
Reste à savoir si les Français sont prêts à entendre ce discours, à contre-courant du tumulte actuel. Pour l’instant, son initiative fait surtout du bruit dans les rangs qu’il a autrefois fréquentés. Mais la question demeure : un homme seul, sans parti structuré, peut-il vraiment ressusciter un courant en voie d’extinction ?