Alors que la France traverse une période d’austérité budgétaire assumée, le traitement réservé aux plus précaires apparaît de plus en plus indécent. Derrière les discours sur la rigueur, une réalité se dessine : celle d’une société où les efforts sont exigés toujours des mêmes, tandis que les inégalités ne cessent de se creuser.
Personne ne conteste la nécessité de réduire les déficits publics, mais encore faut-il savoir où et comment l’effort est réparti. Aujourd’hui, force est de constater que les premières victimes des restrictions budgétaires sont les secteurs les plus essentiels : santé, éducation, culture. En parallèle, les plus précaires voient leur pouvoir d’achat progresser bien plus lentement que celui des catégories supérieures.
Les indicateurs sont sans appel : les inégalités de revenus repartent à la hausse, atteignant des niveaux inédits depuis près de trois décennies. Dans ce contexte, l’absence de mesures correctives ne peut qu’aggraver le sentiment d’abandon ressenti par une part croissante de la population. Et pendant que l’extrême droite promet sans crédibilité une protection « gratuite », elle prospère sur ce vide politique.
Prestations sociales : le coup de grâce silencieux
L’année 2025 marque une « année blanche » sur les prestations sociales : ni revalorisation des montants, ni ajustement des seuils. Un gel brutal, en pleine inflation rampante, qui revient à une baisse déguisée. Plus grave encore, une nouvelle réforme de l’assurance chômage se profile, avec un double objectif : réduire la durée d’indemnisation et restreindre l’accès aux droits.
Pourtant, les effets délétères de la précédente réforme de 2023 sont documentés : hausse de la précarité, baisse des indemnisations, découragement croissant des demandeurs d’emploi. Mais loin d’en tirer les leçons, le gouvernement choisit d’aller plus loin, comme si la pauvreté était une faute qu’il fallait punir davantage.
Une stratégie politique au point mort
Le Premier ministre, pourtant ancien Haut-Commissaire au plan, avait les outils pour anticiper et corriger ces dérives. Il avait même promis de s’appuyer sur le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté pour élaborer une stratégie à dix ans. Une promesse, mais sans calendrier, sans enveloppe budgétaire, sans contrainte. Autrement dit : une déclaration d’intention sans incidence réelle.
Et dans un contexte politique chargé – municipales, présidentielle, possible remaniement –, il y a fort à parier que cette feuille de route sera reléguée au fond d’un tiroir, comme tant d’autres avant elle.
Pendant ce temps, les écarts se creusent
Si rien ne bouge, le fossé social va continuer de s’élargir. Le gel des minimas sociaux, l’inaction sur le logement, les coupes dans les services publics et les dispositifs d’insertion alimentent une spirale d’exclusion. Pendant ce temps, les plus riches continuent de bénéficier d’un système fiscal favorable, tandis que les plus pauvres doivent justifier chaque euro d’aide.
Le reportage mené dans le Finistère – territoire symbolique de l’abandon périphérique – illustre une « chasse aux pauvres » méthodique : radiations, contrôles, procédures kafkaïennes… Le message envoyé est clair : la solidarité devient conditionnelle, voire suspecte.
L’urgence d’une politique de rééquilibrage
Il est temps d’inverser la logique. Faire des économies, oui, mais pas au détriment des plus fragiles. La justice sociale ne doit pas être sacrifiée sur l’autel de la rentabilité immédiate. Ce qu’il faut aujourd’hui, ce n’est pas un énième rapport, mais des mesures fortes et structurantes :
Revalorisation immédiate des minimas sociaux
Renforcement des services publics dans les zones rurales et périurbaines
Encadrement réel du logement pour enrayer la précarisation résidentielle
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Conclusion : sortir de l’aveuglement politique
La pauvreté n’est pas un dommage collatéral. Elle est le produit d’un choix politique. Et tant que ces choix continueront à épargner les mieux lotis tout en pressurant les plus fragiles, les tensions sociales ne feront que croître, offrant un terreau fertile aux discours populistes.
Il n’est pas trop tard pour agir, mais il devient chaque jour plus difficile de justifier l’inaction.