Le mythe s’effondre, la légende se fissure. Près d’un an après la disparition d’Alain Delon, le « Samouraï » du cinéma français, les révélations posthumes et une bataille autour de son héritage jettent une ombre glaçante sur une icône adulée pendant plus de six décennies. Entre successions troubles et accusations de violences, le nom Delon n’en finit plus de diviser.
Un testament qui fait imploser la famille Delon
Le 18 août 2024, Alain Delon s’éteint à 88 ans, dans sa propriété de Douchy, seul, entouré de ses chiens et de ses armes, dans un isolement presque théâtral. Le silence de la mort est de courte durée. Car au sein de la fratrie Delon, la paix ne résiste pas à l’ouverture du second testament de l’acteur, apparu dans des conditions encore floues.
Selon ce document inattendu, Anouchka, la fille cadette, serait l’unique héritière de la fortune paternelle, estimée à près de 50 millions d’euros. Une décision qui exclut de manière brutale ses deux frères, Anthony et Alain-Fabien, provoquant une fracture familiale aussi publique que douloureuse. Loin d’être anecdotiques, ces tensions trouvent un écho direct dans les récentes révélations livrées par le plus jeune fils du monstre sacré.
Alain-Fabien brise l’omerta familiale
Dans le livre Les derniers jours du Samouraï de Laurence Pieau et François Vignolle, Alain-Fabien Delon livre un témoignage glaçant sur la face cachée de son père. À travers des mots bruts, il décrit un homme violent, destructeur, capable d’explosions de rage insoutenables. Et pour la première fois, il accuse son père de violences physiques répétées contre sa mère, Rosalie van Breemen.
« Il lui a pété deux fois le nez, il lui a pété les côtes, il lui a pété les huit côtes… », détaille-t-il. Des faits qui, s’ils s’avèrent exacts, font voler en éclats l’image d’un Delon séducteur impassible, protecteur d’un certain honneur viril, pour révéler un homme autoritaire et brutal.
Des violences présumées jusqu’à sa dernière compagne
Mais l’accusation ne s’arrête pas là. Alain-Fabien évoque également les violences dont aurait été victime Hiromi Rollin, la dernière compagne d’Alain Delon, qui l’a accompagné durant les dernières années de sa vie. Selon ses propos, les coups étaient fréquents, et la menace bien réelle. Hiromi elle-même, dans le livre, déclare avoir été frappée à de nombreuses reprises, parfois à coups de pied. Plus grave encore : elle affirme qu’Alain Delon aurait tenté de l’étrangler et pointé une arme sur elle, en lui lançant : « Je vais te tuer. »
L’icône sous un nouveau jour
Ces témoignages marquent une rupture radicale avec l’image publique soigneusement façonnée d’Alain Delon. Acteur adulé, incarnation d’une virilité froide et maîtrisée, compagnon de femmes légendaires — Romy Schneider, Mireille Darc, Nathalie Delon —, il est désormais présenté comme un homme tyrannique dans l’intimité, dont les colères dépassaient parfois les bornes de la violence verbale.
Si certaines rumeurs sur ses accès d’autorité circulaient depuis longtemps dans le milieu du cinéma, jamais les accusations n’avaient atteint ce niveau de gravité. Aujourd’hui, son propre fils choisit de les rendre publiques, brisant une forme d’omerta héritée de décennies d’admiration aveugle.
L’héritage d’un homme, la chute d’un mythe
Le double visage d’Alain Delon, entre figure artistique intouchable et père destructeur, pose une question fondamentale sur la mémoire que l’on accorde aux artistes. Peut-on célébrer l’œuvre sans fermer les yeux sur l’homme ? Faut-il séparer le génie de l’acte ? Dans le cas Delon, les révélations viennent bousculer l’admiration qu’on lui portait, sans effacer son empreinte cinématographique, mais en complexifiant à jamais sa postérité.
La guerre d’héritage n’est pas qu’une question d’argent. Elle est aussi — et peut-être surtout — le théâtre d’une revanche intime, où les blessures longtemps tues prennent la parole. Et dans le fracas de cette mémoire familiale, c’est une figure sacrée du cinéma français qui chancelle.