Le deuil s’est teinté d’ironie, d’audace et d’émotion : le dernier hommage à Thierry Ardisson, figure iconique du PAF, s’est déroulé à l’image de sa vie – intense, contrasté, et toujours sous le regard d’un public captivé. Son fils Gaston, en première ligne, a surpris, interpellé, et rappelé que l’héritage ne se mesure pas qu’en souvenirs.
Le 17 juillet, la paroisse Saint-Roch a accueilli une foule dense et célèbre venue saluer une dernière fois l’homme en noir. Thierry Ardisson, décédé trois jours plus tôt des suites d’un cancer du foie à l’âge de 76 ans, a reçu l’hommage d’un monde qu’il a marqué de son empreinte : celui des médias, du spectacle, et de la politique.
Brigitte Macron, Michel Drucker, Arthur, Laurent Baffie, Léa Salamé… Les bancs de l’église étaient remplis d’amis, de collaborateurs, de visages publics, mais aussi d’anonymes attachés à cette figure singulière de la télévision française. Dans une ambiance sobre mais profondément marquée par son charisme posthume, chacun semblait porter en lui un souvenir partagé avec l’animateur provocateur, toujours en quête d’un bon mot ou d’un face-à-face qui dérange.
Gaston Ardisson : une silhouette, une présence
C’est son fils Gaston qui a cristallisé les regards. Non seulement par une ressemblance saisissante avec son père, mais aussi par cette nonchalance assumée, presque incarnée, qui rappelait celle de l’homme en noir au temps de ses interviews les plus grinçantes.
Son discours, tout sauf convenu, a résonné comme une dernière pique affectueuse : « Tu as tout affronté, du cancer à Bolloré ! » a-t-il lancé, avec un mélange de tendresse et de mordant. Une formule qui a électrisé l’assistance, fidèle au style Ardisson : irrévérencieux et sans détours.
Un geste final qui divise
Mais c’est son geste à la sortie de l’église qui a déclenché les réactions les plus vives : Gaston Ardisson a allumé une cigarette au moment du départ du cercueil. Un acte perçu par certains comme un ultime clin d’œil au fumeur invétéré qu’était son père, et par d’autres comme une provocation de trop.
Les réseaux sociaux s’en sont emparés sans pitié : « Il finira à côté du paternel », « Il n’a rien compris », ont écrit des internautes visiblement outrés. Mais d’autres ont choisi la compréhension, saluant un geste symbolique, personnel, peut-être maladroit, mais authentique. Car dans cette posture, on retrouve un écho du style Ardisson : déranger pour exister, choquer pour exprimer, oser pour ne pas trahir.
Une relation père-fils marquée par la franchise
Avant les obsèques, Gaston s’était confié dans le documentaire « La face cachée de l’homme en noir », réalisé par Audrey Crespo-Mara. Il y décrit un père à la fois sévère et fantasque, un homme de contradictions, charismatique et parfois épuisant : « Vu qu’il pouvait être un peu chiant, je ne pense pas que j’aurais été très content de voir mon père tous les jours. »
Ces mots, loin de la langue de bois, rappellent ce que Thierry Ardisson avait lui-même toujours revendiqué : la sincérité avant tout. Dans la bouche de son fils, ils sonnent comme une filiation à rebours, lucide mais affectueuse, où la vérité prime sur l’hommage figé.
L’héritage d’un trublion devenu figure tutélaire
Thierry Ardisson laisse derrière lui bien plus qu’une émission ou un souvenir télévisuel : il laisse une manière d’interroger, de provoquer, d’exister à contre-courant. Son fils, en assumant ses failles comme ses forces, en réitérant des gestes qui choquent autant qu’ils émeuvent, prolonge cette veine unique du personnage.
Ce dernier adieu, à l’image de sa carrière, aura été tout sauf banal. Une cérémonie où l’élégance côtoyait l’insolence, où les figures institutionnelles se mêlaient aux héritiers de l’impertinence. Thierry Ardisson s’en est allé, mais son style, lui, flotte encore dans l’air. Et son fils, à sa manière, en devient peut-être le gardien inattendu.