Ils ont vu leur maison rasée, leur vie bouleversée, leur quotidien éclaté au nom du « progrès ».
Aujourd’hui, les expropriés de l’A69 découvrent que cette autoroute, censée justifier leur sacrifice, ne verra peut-être jamais le jour. Une décision de justice suspend tout, mais pour eux, le mal est déjà fait.
Une autoroute arrêtée, des vies déjà détruites
Des centaines d’habitants du Sud-Ouest ont été expropriés pour permettre la construction de l’autoroute A69. Aujourd’hui, ils découvrent que le chantier est suspendu. Saisie par plusieurs associations de défense de l’environnement, la justice administrative de Toulouse a mis un coup d’arrêt au projet le 27 février 2025. Motif : l’absence d’« intérêt public majeur » pour ce tronçon censé relier Castres à Toulouse. Résultat : l’arrêté préfectoral de 2023, qui avait autorisé le début des travaux, est désormais annulé.
Pour les riverains, c’est un véritable choc. Le chantier, avancé à près de 70 %, est figé, les pelleteuses à l’arrêt, les ambitions gelées, mais les maisons, elles, sont bel et bien disparues.
Des familles expulsées pour rien
Parmi les 820 personnes concernées, Alexandra reste l’un des visages les plus marquants de ce fiasco. Cette mère de famille a quitté sa maison de Verfeil en septembre 2024, après onze années passées sur les lieux. Elle se souvient encore du jour où elle a dû partir, juste avant la démolition de quarante habitations.
Son témoignage, relayé par Le Parisien, fait froid dans le dos : « J’ai un petit bout de 4 ans qui me demande tous les jours quand est-ce qu’on va pouvoir remettre ses jeux dans le jardin », confie-t-elle, la voix tremblante. « On a détruit sa maison pour une autoroute qui ne va même pas se faire. »
Un patrimoine familial réduit en poussière
Derrière les chiffres, il y a aussi des histoires de mémoire et de racines. Rémi Niel, 82 ans, fait partie de ceux qui ont tout perdu. Sa ferme familiale, nichée à Saïx, a été expropriée en 2022. C’est là qu’il avait grandi, depuis ses 9 ans. La bâtisse, transmise de génération en génération, n’est plus qu’un souvenir, remplacée par un terrain vague constellé de tags et de gravats.
« Je suis ni pour ni contre l’autoroute », confie-t-il. « Mais maintenant, cela me semble difficile de faire marche arrière. » Un aveu d’impuissance face à un processus lancé trop vite, sans réelle concertation, et désormais remis en cause.
Un chantier coûteux et inutile aux yeux des riverains
Ce ne sont pas seulement les expropriés qui s’indignent. De nombreux habitants du secteur, pourtant épargnés par les expulsions, dénoncent à leur tour l’aberration du projet. Ils pointent du doigt les destructions massives, les hectares de terres ravagées et le bétonnage inutile d’un territoire déjà fragile.
« C’est un chantier qui a enlaidi la région pour rien », lâche un riverain exaspéré. L’interruption brutale des travaux laisse derrière elle un paysage dévasté, un entre-deux grotesque : ni autoroute, ni campagne.