Dans le Doubs, un propriétaire excédé par des mois de loyers impayés a franchi la ligne rouge… ou presque.
En brisant un mur de son propre local pour tenter de déloger un locataire indélicat, il a déclenché une procédure policière. Une affaire qui illustre les limites de la patience face à l’impuissance juridique, et les contours flous entre légalité, désespoir et autodéfense.
À Audincourt, dans l’Est de la France, un propriétaire a littéralement démoli un mur de son propre magasin pour forcer son locataire à partir. Le motif : un arriéré de loyers de près de 25 000 euros et des mois d’occupation sans règlement, ni dialogue. Dès son arrivée dans le local, le locataire aurait changé les serrures, empêchant toute communication directe avec le propriétaire.
« J’étais à bout », confie ce dernier, qui dit avoir entamé des démarches juridiques fin 2024. Mais la lenteur des procédures civiles d’expulsion, notamment face aux protections accordées aux locataires, y compris commerciaux, l’aurait poussé à prendre les choses en main.
Une intervention musclée… suivie d’une garde à vue
Alertée par le locataire, la police est intervenue rapidement sur les lieux. Ce dernier a affirmé avoir été menacé et victime de dégradations. Sur place, les agents découvrent effectivement une cloison abattue à l’intérieur du local commercial. Le propriétaire est alors placé en garde à vue pour suspicion de dégradation du bien d’autrui, un chef d’accusation potentiellement grave.
Mais après vérification de la propriété du local, le parquet de Montbéliard, prévenu huit heures plus tard, a levé la garde à vue et classé l’affaire sans suite. Selon le procureur, aucune infraction ne peut être retenue, puisque le mur détruit appartenait au propriétaire lui-même.
Droit de propriété vs droits du locataire
Cette décision repose sur un principe simple mais peu connu : il n’est pas interdit en France de dégrader son propre bien. Comme l’a rappelé le procureur, le délit de dégradation ne s’applique que lorsqu’il porte sur le bien d’autrui. Autrement dit, un propriétaire peut, en théorie, casser un mur de son local sans commettre d’infraction pénale… même si ce local est occupé.
Toutefois, cette action n’est pas sans risque civil. Elle pourrait être requalifiée dans d’autres circonstances, notamment si des dommages collatéraux sont causés à des tiers, ou si la manœuvre met en danger la sécurité des occupants. Et surtout, cela ne remplace en aucun cas une procédure d’expulsion encadrée par la loi.
Un locataire en fuite, une procédure toujours en cours
Depuis cet épisode, le locataire n’a jamais remis les pieds dans les lieux. Il aurait abandonné le local, ce qui pourrait faciliter la suite de la procédure judiciaire engagée pour obtenir son expulsion légale. Mais les démarches civiles, longues et complexes, suivent toujours leur cours, avec le lot de délais, d’audiences et de frais qui les accompagnent.
L’histoire illustre à quel point le rapport entre propriétaires et locataires peut devenir explosif, en particulier lorsqu’il s’agit de biens commerciaux, souvent essentiels à la subsistance financière des propriétaires. Les recours existent, mais le sentiment d’abandon face aux lenteurs de la justice pousse parfois certains à franchir les limites.
Une méthode désespérée… à ne surtout pas imiter
Le procureur a tenu à conclure avec fermeté : « Je ne conseille pas aux propriétaires faisant face à des locataires qui ne payent plus leurs loyers d’agir de la sorte ». Car se faire justice soi-même est une pente glissante, même lorsqu’on est légalement dans son droit. La légitimité ne remplace pas la légalité, et un geste désespéré peut vite se retourner contre celui qui le pose.