Un virus transmis habituellement par piqûre de tique pourrait désormais se cacher… dans notre assiette. L’encéphalite à tiques, maladie rare mais grave, s’infiltre désormais par voie alimentaire, notamment via les fromages au lait cru. L’Anses alerte sur cette évolution inquiétante du mode de contamination.
Chaque année, environ trente cas d’encéphalite à tiques sont recensés en France, un chiffre modeste mais non négligeable au vu des conséquences possibles. Si tous les cas ne déclenchent pas de symptômes, 10 à 30 % des personnes infectées développent des signes pseudo-grippaux, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).
Parmi elles, 20 à 40 % souffrent de complications neurologiques, comme des méningites ou encéphalites, avec des séquelles potentiellement durables : troubles cognitifs, perte d’autonomie, voire handicap. Le coût humain est lourd, mais le coût économique aussi : estimé à près de 3 millions d’euros par an, entre dépenses de santé et arrêts de travail.
Le lait cru, nouveau vecteur du virus
Jusqu’à récemment, la transmission se faisait uniquement par morsure de tique infectée. Mais depuis 2020, un premier foyer d’infection lié à la consommation de fromages au lait cru a été identifié dans l’Ain, région jusque-là non considérée comme à risque.
Le mécanisme est simple : si une tique infectée pique une chèvre ou une vache laitière, le virus peut se retrouver dans son lait, et donc dans les produits non pasteurisés. Ce sont les fromages au lait cru de chèvre qui sont les plus fréquemment en cause dans les contaminations alimentaires recensées en Europe.
Un virus en expansion géographique
Traditionnellement cantonnée à l’Est de la France, notamment en Alsace, l’encéphalite à tiques élargit son territoire. L’Anses observe aujourd’hui des cas sporadiques en Auvergne-Rhône-Alpes et dans d’autres régions forestières, une tendance qui reflète un mouvement plus global à l’échelle européenne.
Ce déplacement géographique inquiète les autorités sanitaires, car il coïncide avec la montée des températures, qui favorisent la prolifération des tiques dans de nouvelles zones. Les régions d’élevage extensif, où les animaux pâturent librement en extérieur, sont particulièrement concernées.
Des professions à risque
Certains groupes sont nettement plus exposés. Selon l’Anses, les éleveurs, les forestiers, ou les professionnels du bois ont 13 fois plus de risque d’être infectés que la population générale. Leur activité en milieu naturel les expose à des piqûres fréquentes, souvent inaperçues.
Face à cela, le vaccin contre l’encéphalite à tiques est fortement recommandé pour les personnes vivant ou travaillant dans des zones à risque.
Mieux surveiller, mieux prévenir
Pour endiguer la propagation, l’Anses appelle à renforcer la surveillance à plusieurs niveaux : chez les humains, mais aussi dans les cheptels, et même dans les produits laitiers.
Du côté des exploitants agricoles, plusieurs mesures sont suggérées :
Limiter l’accès des animaux aux zones boisées, propices aux tiques,
Faire tourner les pâturages, pour éviter la surinfection des sols,
PUBLICITÉ:Recourir à la pasteurisation du lait en cas de contamination suspectée.
Pour le grand public, des gestes simples permettent de se protéger lors de balades en nature : porter des vêtements couvrants, utiliser des répulsifs, inspecter soigneusement la peau au retour, et retirer toute tique dans les plus brefs délais.
La vigilance s’impose, même dans l’assiette
Si les cas restent peu fréquents, la découverte de cette nouvelle voie de contamination doit inciter à la prudence, en particulier chez les personnes fragiles, les enfants ou les amateurs de produits au lait cru non contrôlés.
L’Anses ne préconise pas pour l’instant d’interdiction de vente ou de consommation, mais invite les consommateurs à privilégier les circuits sûrs, et à respecter scrupuleusement les recommandations sanitaires.
Face à un virus qui s’adapte, c’est désormais à l’ensemble de la chaîne — des éleveurs aux consommateurs — de rester vigilant.