Une rupture historique menace le paysage démographique français : pour la première fois depuis 1944, les décès pourraient surpasser les naissances. Un tournant qui bouleverse les équilibres sociaux, et que l’Insee n’avait pas anticipé si tôt.
La France pourrait enregistrer en 2025 plus de décès que de naissances, une première depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) qui l’a confirmé à l’AFP ce jeudi 24 juillet : « Un solde naturel négatif est de l’ordre du possible ». Bien que l’institution ne publie pas de prévisions précises, le basculement semble déjà amorcé, selon les données arrêtées fin mai : 651 000 décès contre 650 000 naissances sur douze mois glissants.
Chloé Tavan, cheffe de la division démographique de l’Insee, a qualifié cette évolution de « première », tout en soulignant que le phénomène était prévu… mais pas aussi tôt. L’inversion démographique était initialement envisagée autour de 2035. La baisse accélérée de la natalité, conjuguée à la hausse progressive des décès, en a décidé autrement.
Des naissances en berne, des décès en hausse
Le recul de la fécondité est le principal facteur de cette inversion inattendue. Entre janvier et mai 2025, les naissances ont chuté de 3,7 % par rapport à l’année précédente. Cette tendance s’explique par une série de facteurs déjà bien identifiés : précarité de l’emploi, défiance face à l’avenir, éco-anxiété, et évolution des aspirations familiales. Autant d’éléments qui refroidissent les projets parentaux, notamment chez les jeunes générations.
À l’inverse, le nombre de décès a augmenté de 3,5 % sur la même période. Rien de surprenant pour les démographes : les générations du baby-boom atteignent désormais les âges où la mortalité s’intensifie. Ce vieillissement naturel de la population alourdit mécaniquement le bilan démographique.
Un choc pour le modèle social français
Cette bascule soulève des enjeux majeurs pour le système de protection sociale, reposant sur le principe de solidarité intergénérationnelle. Moins de naissances signifie, à terme, moins d’actifs pour financer les retraites et les prestations sociales. Catherine Vautrin, ministre des Solidarités, a réagi sur X (ex-Twitter) : « Ce bouleversement démographique est majeur et il est de notre devoir de préserver notre modèle social. »
Face à cette alerte, le gouvernement annonce vouloir relancer la natalité, notamment par une réforme des congés parentaux. Un nouveau « congé de naissance » est à l’étude, plus flexible et mieux indemnisé que l’actuel congé parental, qui plafonne à 456 euros par mois. L’exécutif souhaite également mieux accompagner les parcours de fertilité, pour répondre aux difficultés croissantes rencontrées par de nombreux couples.
Reste à savoir si ces mesures seront suffisantes à inverser la tendance. Car au-delà des chiffres, c’est le rapport au futur, à la famille et à la solidarité intergénérationnelle qui semble aujourd’hui en pleine mutation.