Lors d’un dîner d’État à Windsor, Emmanuel Macron a suscité une vive polémique outre-Manche en prononçant l’essentiel de son discours en français.
Un geste symbolique et protocolaire, certes, mais qui a été perçu comme un affront par certains Britanniques, relançant ainsi un vieux débat autour de la langue et de la diplomatie. Le 8 juillet 2025, le président français Emmanuel Macron était l’invité d’honneur d’un dîner d’État donné par le roi Charles III à Windsor. Un moment solennel, empreint de protocole, durant lequel le chef de l’État français a choisi de s’exprimer dans sa langue maternelle. Il évoque les tranchées, les sacrifices des Alliés, et l’amitié franco-britannique, dans un français soutenu et solennel. Mais alors que l’élégance du discours semble faire honneur à l’occasion, une frange du public britannique s’en offusque ouvertement.
Une réaction virulente sur la chaîne GB News
Au Royaume-Uni, c’est la chaîne GB News qui sonne la charge contre le président français. En pleine diffusion du discours, le présentateur Patrick Christys interrompt brutalement le direct : « Je vais intervenir maintenant, parce qu’Emmanuel Macron ne semble pas juger utile de faire preuve de courtoisie en parlant anglais », lance-t-il à l’antenne. Il estime que Macron a manqué de respect envers son hôte royal en ne tenant son discours qu’en partie en anglais. Et d’ajouter : « C’est offensant. »
Un roi « perdu dans la traduction » ?
Sur le plateau, les commentateurs s’accordent à dire que Charles III semblait ne pas comprendre ce qui se disait, malgré son niveau de français, jugé « équivalent à un élève de 16 ans », selon la formule utilisée. L’un d’eux va jusqu’à comparer ce discours en langue étrangère à un murmure déplacé : « C’est comme chuchoter devant le roi. Est-ce qu’on ferait ça ? » La critique est virulente, presque théâtrale, mais elle révèle un malaise plus profond, à la croisée des cultures, de l’identité nationale et des usages diplomatiques.
Quand le choix du français devient polémique
Ce n’est pas la première fois que le président Macron est rattrapé par ses choix linguistiques. En France, il est régulièrement critiqué pour son usage de l’anglais dans les enceintes internationales, comme lors de la conférence de presse des JO de Paris 2024 ou lors de sommets comme le One Ocean Summit. Accusé alors de « trahison linguistique », il semble cette fois avoir inversé la logique, en privilégiant le français… dans un contexte britannique.
Ironie de l’histoire : le français fut longtemps la langue officielle des élites anglaises, des tribunaux et de la noblesse, jusqu’au XVe siècle. Cette référence historique n’a visiblement pas suffi à apaiser les susceptibilités contemporaines. D’autant que Charles III, dans un geste élégant, avait lui-même parsemé son discours de références francophones, allant de la conquête normande à Shakespeare, évoquant même la princesse Catherine de Valois.
Un symbole diplomatique… ou une provocation ?
Ce dîner, pourtant soigné dans ses moindres détails — cocktail franco-britannique au pastis et lemon curd, vins anglais choisis par une maison champenoise — devait être un symbole d’unité post-Brexit entre les deux nations. Mais le poids symbolique de la langue a, une nouvelle fois, pris le dessus, révélant des tensions bien plus anciennes et profondes que le simple choix d’idiome.
Alors que la langue reste un instrument majeur de souveraineté, d’identité et de pouvoir symbolique, Emmanuel Macron a choisi de s’en remettre à celle de Molière. Un choix assumé, protocolaire, mais perçu comme déplacé par une partie du public britannique, qui l’aurait préféré plus accommodant. Le débat, lui, ne fait que commencer. Car derrière les mots, ce sont les sensibilités historiques qui s’entrechoquent, des deux côtés de la Manche.