
La Promulgation De La Loi Duplomb Malgré La Controverse
La signature fait grincer des dents. Ce mardi 12 août, Emmanuel Macron promulgue la loi Duplomb, publiée au Journal officiel dans un silence assourdissant. Une décision qui intervient après la censure partielle du Conseil constitutionnel, mais qui maintient l’essentiel d’un texte agricole explosif.
La chronologie révèle l’entêtement présidentiel. Quelques minutes seulement après la décision des Sages le 7 août, l’Élysée annonce la couleur : promulgation rapide, sans nouvelle délibération parlementaire. Un passage en force qui ignore délibérément le tollé national.
Car la contestation a été massive. Plus de 2,1 millions de signatures réclamaient l’abrogation pure et simple de ce texte adopté début juillet. Une mobilisation historique qui traverse le monde scientifique, les associations environnementales et une partie de l’opinion publique. Mais rien n’y fait.
L’alliance parlementaire qui a porté la loi reste solide : macronistes, LR et extrême droite unis dans le même élan productiviste. Cette majorité de circonstance a suffi pour faire passer un arsenal de mesures dérogatoires, malgré les mises en garde répétées sur les risques sanitaires et environnementaux.
« Le gouvernement serait à leurs côtés pour ne pas les laisser sans solution », promet déjà Annie Genevard, ministre de l’Agriculture. Un soutien qui annonce la bataille juridique et politique à venir autour des dispositions encore en vigueur.

L’Acétamipride Censuré : Un Pesticide Au Cœur Du Scandale
Au centre de cette tempête politique, une molécule fait trembler : l’acétamipride. Ce néonicotinoïde interdit depuis 2018 en France cristallise toute la controverse autour de la loi Duplomb. Son retour était ardemment réclamé par les producteurs de betteraves et de noisettes, confrontés aux ravageurs.
L’ironie est cruelle. Autorisé partout ailleurs en Europe, ce pesticide demeure banni sur le territoire français depuis sept ans. Une situation que dénoncent les agriculteurs, pris en étau entre concurrence européenne déloyale et réglementation nationale stricte.
Mais les Sages du Conseil constitutionnel ont tranché net. « Faute d’encadrement suffisant », la réintroduction de l’acétamipride violait la Charte de l’environnement inscrite dans la Constitution. Une censure cinglante qui rappelle les « incidences sur la biodiversité » de ces substances, notamment pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux.
La différence avec 2020 saute aux yeux. Cette année-là, les Sages avaient consenti à une dérogation temporaire, cantonnée aux betteraves et limitée à l’enrobage des semences. Cette fois, la loi Duplomb visait plus large : aucune limite de temps, toutes filières confondues, pulvérisation autorisée.
« Des risques pour la santé humaine », martelent les constitutionnalistes. Une formulation qui claque comme un rappel à l’ordre face aux tentations dérégulatrices du secteur agricole.

Les Mesures Validées : Simplifications Pour L’Élevage Intensif
Si l’acétamipride tombe sous les coups du Conseil constitutionnel, d’autres dispositions passent l’épreuve des Sages. Le 7 août, ces derniers valident les simplifications administratives pour les gros élevages et autorisent la construction d’ouvrages de stockage d’eau agricole.
Une victoire en demi-teinte pour le secteur. Les procédures s’allègent, les démarches se raccourcissent. L’agrandissement des bâtiments d’élevage de porcs et de volailles devient plus accessible, une mesure « très attendue par certains agriculteurs » selon les termes officiels.
Mais les Sages posent leurs garde-fous. Les nappes inertielles restent intouchables. Ces réservoirs souterrains, qui se vident et se remplissent au ralenti, échappent aux nouveaux prélèvements. Une protection cruciale pour ces écosystèmes fragiles.
L’autre limite s’avère juridique : chaque projet pourra être contesté devant un juge. Les associations environnementales conservent leur droit de recours, leurs moyens d’action face aux projets controversés.
Ces validations dessinent les contours d’une agriculture française en mutation. Plus de souplesse administrative, mais sous surveillance judiciaire. Plus de facilités pour l’élevage intensif, mais respect des équilibres hydriques.
Le texte promulgué reflète cette tension permanente entre modernisation agricole et préservation environnementale. Une équation complexe que les acteurs du secteur vont désormais devoir résoudre au quotidien.

Réactions Et Perspectives : La Bataille Continue
Cette tension entre modernisation et environnement déchaîne les passions politiques. Sitôt la décision rendue, les camps se mobilisent pour la suite des opérations.
Côté gouvernement, la ligne se dessine rapidement. Yannick Neuder, ministre de la Santé, appelle vendredi à « réévaluer au niveau européen » l’impact de l’acétamipride. « Il s’agit bien de mettre la France au même niveau de principe de précaution que les autres pays européens », martèle-t-il. L’objectif : « interdire ce produit » si les risques s’avèrent réels.
Annie Genevard riposte depuis Bercy. La ministre de l’Agriculture dénonce « une divergence entre le droit français et le droit européen » qui maintient « les conditions d’une concurrence inéquitable ». Sa promesse aux filières menacées sonne comme un engagement : le gouvernement sera « à leurs côtés pour ne pas les laisser sans solution ».
La FNSEA monte au créneau. Le premier syndicat agricole qualifie la décision des Sages « d’inacceptable ». Leurs producteurs de betteraves et de noisettes restent privés d’armes face aux ravageurs.
À l’opposé, les écologistes préparent leur contre-offensive. Le groupe à l’Assemblée annonce une proposition de loi pour obtenir « une abrogation totale » du texte.
Laurent Duplomb, sénateur LR et père du texte controversé, refuse de baisser les bras. Il n’exclut pas « un nouveau texte » pour réintroduire l’acétamipride, cette fois en respectant les critères imposés par le Conseil constitutionnel.