Icône pour les uns, figure en rupture pour les autres : Gisèle Pélicot, portée au rang de symbole de la lutte contre les violences sexuelles, est désormais mise en cause… par sa propre fille.
Caroline Darian, dans un témoignage aussi bouleversant que brutal, refuse de voir en sa mère une héroïne, dévoilant les fêlures profondes laissées par une histoire familiale marquée par l’horreur. « Ma mère n’est pas du tout une icône. Pas à mes yeux. Je ne pourrai jamais lui pardonner. » Ces mots, lourds de colère et de douleur, Caroline Darian les livre au Telegraph. Elle est la fille de Gisèle Pélicot, devenue une figure mondiale du combat contre les violences sexuelles depuis la condamnation de son mari, Dominique Pélicot, en décembre dernier.
Pourtant, c’est bien cette image publique de femme forte, survivante, militante, que Caroline conteste avec force. Car si sa mère a été reconnue victime de viols en réunion orchestrés par son époux, Caroline l’accuse elle aussi : non de violences directes, mais d’aveuglement, de rejet, d’abandon.
Une famille brisée par les violences paternelles
Le 19 décembre 2023, Dominique Pélicot est condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Il est reconnu coupable d’avoir drogué sa femme, de l’avoir violée à de multiples reprises et d’avoir permis à au moins 51 autres hommes de la violer également. Tous ces hommes ont été jugés et condamnés. Un procès hors-norme, qui a révélé l’ampleur d’une machinerie d’horreur dans l’intimité familiale.
Mais l’onde de choc ne s’est pas arrêtée là. Dominique Pélicot est également soupçonné d’avoir exercé des violences incestueuses sur ses propres enfants et petits-enfants. Caroline Darian affirme avoir elle-même été victime. Et ce qui la ronge aujourd’hui, au-delà du traumatisme, c’est le refus de sa mère de croire à son récit.
Le refus de reconnaissance : une blessure majeure
« Elle m’a reprochée de me donner en spectacle. Elle refuse de croire que j’aurais pu moi aussi être violée par mon père », déclare Caroline Darian. À travers ce témoignage, c’est un cri de souffrance qui éclate, mais aussi un conflit entre deux figures victimes du même homme — et pourtant incapables de se retrouver.
La relation mère-fille est brisée, irréconciliable à ce stade. Là où l’une est médiatisée comme survivante courageuse, l’autre se sent ignorée, rejetée, niée dans sa propre douleur. Ce hiatus alimente la polémique autour du statut d’« icône » attribué à Gisèle Pélicot, que Caroline Darian rejette catégoriquement.
Une réaction publique intense, mais divisée
La publication de ce témoignage dans la presse britannique a provoqué une onde virale sur les réseaux sociaux. Beaucoup d’internautes, relayés par People et d’autres médias, ont exprimé leur empathie, sans chercher à trancher. « Encore une relation mère/fille détruite par la violence des hommes », écrit un lecteur.
D’autres dénoncent une nouvelle forme de violence patriarcale : celle qui pousse deux femmes victimes à s’opposer, dans un contexte de douleur partagée. Une situation où la société elle-même, en érigeant certaines survivantes en symboles, invisibilise parfois d’autres voix — tout aussi légitimes.
Un débat sur l’icône, le pardon, et la légitimité
Le cas de Gisèle Pélicot soulève une question complexe : peut-on être une figure publique de la lutte féministe, tout en étant contestée au sein même de sa famille ? Peut-on porter un combat, tout en échouant à reconnaître celui d’un proche ? Caroline Darian, en brisant le silence, force une réflexion sur la pluralité des vécus, la difficulté du pardon, et les failles intimes que la médiatisation ne soigne pas.