Une réforme d’ampleur s’invite dans les procédures civiles françaises : depuis le 1er septembre 2025, divorces et contentieux familiaux sont désormais soumis à de nouvelles règles privilégiant la médiation et la conciliation.
Objectif affiché : apaiser les conflits et désengorger les tribunaux, au prix toutefois de débats houleux parmi les professionnels du droit. Le décret, publié en juillet au Journal officiel, établit que les juges civils pourront contraindre les parties à participer à une réunion d’information animée par un médiateur ou un conciliateur. L’idée est de clarifier le rôle des modes amiables de règlement des différends et de mieux structurer l’instruction des dossiers. Pour Anne-Laure Casado, avocate en droit de la famille, ce mécanisme peut « restaurer une communication et purger les points de crispation », en facilitant la compréhension mutuelle des contraintes de chacun.
Médiation ou conciliation : deux voies distinctes
La réforme distingue deux approches. La médiation est payante, avec un coût compris entre 600 et 1 500 euros selon la complexité du litige, partiellement pris en charge par l’aide juridictionnelle dans certains cas. La conciliation, gratuite, repose sur l’intervention de bénévoles. Ces alternatives doivent offrir aux justiciables des solutions plus rapides, à condition que les deux parties jouent le jeu.
Des sanctions financières inédites
Le décret introduit également un mécanisme coercitif : un justiciable convoqué qui ne se présente pas sans motif valable risque une amende pouvant atteindre 10 000 euros. Le médiateur ou le conciliateur en informe alors le juge, qui dispose du pouvoir de sanction. Cette disposition, destinée à responsabiliser les parties, alimente néanmoins de vives critiques.
Un gain de temps considérable
Au-delà de la désaturation des juridictions, la réforme promet une réduction significative des délais. Alors qu’un divorce conflictuel peut durer entre trois et cinq ans devant le tribunal, le recours à la médiation ou à la conciliation pourrait permettre de clore le dossier en moins d’un an. Un argument mis en avant par le ministère de la Justice, soucieux de répondre à l’explosion des contentieux civils, dont les divorces représentent 7 à 10 %.
Des voix discordantes
L’initiative ne fait cependant pas l’unanimité. L’avocat pénaliste Me Eolas a dénoncé sur X une logique de privatisation de la justice, estimant que l’État « oblige à recourir à un arbitre privé, à vos frais, plutôt que juger votre affaire ». Le ministère rétorque que la médiation ne pourra jamais être imposée au-delà de la réunion d’information. Les cas de violences intrafamiliales, eux, restent exclus du dispositif.
Une justice en mutation
Cette réforme illustre une volonté politique : favoriser les solutions pacifiées plutôt que l’affrontement judiciaire. Si certains y voient une modernisation nécessaire, d’autres redoutent une justice à deux vitesses, où la capacité financière des justiciables conditionne l’accès à une résolution rapide des litiges. Le temps dira si la médiation et la conciliation deviennent des outils efficaces ou un fardeau supplémentaire pour des citoyens déjà fragilisés par les épreuves familiales.