Alors que l’espérance de vie continue de progresser, une nouvelle manière de penser la retraite s’installe discrètement : vivre pleinement, quitte à bousculer les traditions familiales.

En Espagne comme en France, de plus en plus de seniors préfèrent mobiliser leur logement pour améliorer leur quotidien plutôt que de le transmettre. Un changement profond, révélateur d’une génération qui refuse de vieillir dans la contrainte.
Pendant longtemps, la propriété immobilière a représenté le socle de la transmission. En Espagne, où 86 % des retraités sont propriétaires, cette valeur refuge semblait indétrônable. Pourtant, les mentalités évoluent : l’espérance de vie dépasse désormais les 84 ans, entraînant un allongement des besoins financiers. Selon le dernier baromètre du consommateur senior, seul un tiers des plus de 55 ans considère encore son logement comme un héritage à transmettre, signe que les priorités se déplacent. Les autres envisagent désormais leur maison comme un levier pour préserver bien-être, autonomie et sécurité économique.
Monétiser son bien pour mieux vieillir

Face à ces attentes nouvelles, les banques ont imaginé des solutions permettant de dégager des revenus sans quitter son domicile. Hypothèque inversée, nue-propriété ou logement inversé : ces dispositifs permettent d’utiliser son bien tout en continuant à l’habiter, une approche qui séduit un nombre croissant de seniors. Les chiffres de la Banque d’Espagne montrent que de plus en plus de patrimoines immobiliers sortent des successions, remplacés par des actifs financiers. Pour Juan Fernández Palacios, de la Fondation MAPFRE, ces outils deviennent « un moyen de souplesse et de sécurité » pour les retraités.
Mais la méfiance demeure : 76 % des seniors ne font pas encore confiance à ces formules, même si 26 % se disent prêts à franchir le pas.
Une offre encore mal comprise mais en pleine progression

Dans les faits, près de 35 % des retraités souhaitent tirer un revenu de leur logement, tandis que 34 % préfèrent encore le transmettre. Le basculement est réel mais reste freiné par un manque d’information. Lorsque l’on interroge les seniors sur la solution la plus sûre pour générer des revenus tout en restant chez eux, seuls 24 % citent une option existante :
12 % pour l’hypothèque inversée
PUBLICITÉ:9 % pour la nue-propriété
7 % pour le logement inversé
La majorité reste sceptique, faute de repères clairs. Pourtant, les possibilités sont nombreuses — certaines permettant de conserver la propriété, d’autres impliquant un transfert du vivant. Les experts insistent : pour que ces modèles s’installent durablement, une meilleure information est indispensable, afin d’accompagner les retraités dans des décisions adaptées à leurs besoins et à leur niveau de confort.
Et en France, où en est-on ?
L’Hexagone observe une dynamique similaire, bien que plus discrète. Le dispositif le plus proche du modèle espagnol est le prêt viager hypothécaire, réservé aux personnes de plus de 60 ans. Ce prêt, garanti par le logement et remboursé au décès ou à la vente, permet de libérer des liquidités tout en restant chez soi, sans devoir céder ou quitter sa maison. Le montant dépend de la valeur du bien et des caractéristiques personnelles de l’emprunteur.
Malgré cela, l’usage reste limité. Selon l’INSEE, une personne de plus de 65 ans sur deux ne dispose pas des ressources nécessaires pour couvrir les dépenses liées à la perte d’autonomie, même en additionnant revenus et patrimoine. Ce constat souligne l’urgence de développer des alternatives crédibles pour compléter les pensions et assurer le maintien d’un niveau de vie digne.










