Avant d’endosser la soutane blanche, Jorge Mario Bergoglio avait déjà goûté aux réalités les plus terre-à-terre.
Marqué par une jeunesse de labeur et des expériences inattendues, celui qui allait devenir le pape François a su garder intact un lien profond avec les plus humbles, jusqu’à son dernier souffle, le 21 avril 2025.
Né à Buenos Aires le 17 décembre 1936, Jorge Mario Bergoglio est le fruit d’un foyer argentin aux racines italiennes, modeste mais uni. Son père Mario, comptable aux chemins de fer, et sa mère Regina, mère au foyer, élèvent ensemble cinq enfants dans une atmosphère d’austérité bienveillante. Dès l’adolescence, Jorge comprend qu’il devra participer activement aux dépenses familiales s’il souhaite poursuivre ses études. Pour financer son parcours en chimie, il enchaîne divers petits boulots. Une jeunesse faite d’efforts, qui façonna son regard sur le monde.
Le poids des expériences dans la formation d’un pape engagé
Contrairement à nombre de figures ecclésiastiques aux parcours linéaires, la trajectoire de Jorge Bergoglio fut tout sauf prévisible. Ce vécu concret, au contact du réel, a profondément nourri sa vocation religieuse et sa vision d’une Église au service du peuple. Cette authenticité a d’ailleurs marqué son pontificat, entamé en 2013, et qui restera dans les mémoires comme l’un des plus humains, tourné vers les oubliés et les marginaux. Le 21 avril 2025, en ce lundi de Pâques, il s’éteint à l’âge de 88 ans, après onze années à la tête de l’Église catholique.
Des révélations inattendues après son élection
Quelques jours seulement après son élection, alors qu’il s’adressait à des fidèles dans une paroisse de la banlieue romaine, François surprend l’assemblée en évoquant un pan méconnu de sa vie : il avait été videur dans une boîte de nuit durant sa jeunesse pour financer ses études. Cette confidence, teintée d’humour et d’humilité, faisait écho à une réalité bien différente de l’image classique que l’on se fait d’un futur souverain pontife.
Une palette de métiers aussi riche qu’insolite
Au fil des années, Jorge Bergoglio a multiplié les emplois précaires : balayeur dans une usine, assistant en laboratoire pharmaceutique, testeur de produits… Ces expériences l’ont mis en contact avec le monde ouvrier, nourrissant sa compréhension des réalités sociales et forgeant sa capacité à écouter sans juger. Dans un entretien accordé en 2013 à L’Osservatore Romano, il évoquait ces années sans artifice, les qualifiant de fondatrices.
Avant d’entrer au séminaire à 21 ans, il fut aussi professeur de littérature et de psychologie. Cet engagement pédagogique, il le décrivait comme un moment déterminant où il avait appris à sonder les cœurs et les esprits, loin des dogmes. Enseigner fut pour lui une étape clé dans son cheminement spirituel, une façon d’exercer, déjà, un ministère sans soutane.
Une anecdote d’enfance devenue prophétique
Toujours prêt à rire de lui-même, Jorge Bergoglio aimait raconter l’histoire de son premier amour. À 12 ans, épris d’une jeune fille prénommée Amalia, il lui aurait lancé : « Si je ne me marie pas avec toi, je deviens curé. » Le destin choisira pour lui. Cette phrase, légère mais chargée de sens, cristallisait déjà un tiraillement entre le cœur et l’appel spirituel.
Contrairement aux profils souvent lisses de certains dignitaires religieux, François revendiquait son passé bigarré avec une certaine fierté. Il n’a jamais cherché à gommer les aspérités de son parcours, les considérant au contraire comme une richesse, un lien avec ceux que l’Église ne regarde plus assez. Homme du terrain bien avant d’être homme d’Église, il a porté dans sa chair la vie des anonymes, des besogneux, des oubliés.