Un an après la mort de Nahel, tué par un tir policier lors d’un contrôle routier à Nanterre, le fonctionnaire mis en cause se retrouve de nouveau au cœur d’une polémique.
Toujours sous contrôle judiciaire et en attente de procès pour meurtre, il a été discrètement muté au Pays basque. Une décision administrative qui suscite l’incompréhension et ravive les tensions. Le policier auteur du tir mortel ayant coûté la vie à Nahel, 17 ans, en juin 2023, n’a pas encore été jugé, mais exerce désormais dans un commissariat du Pays basque. Cette affectation, révélée par Libération, a provoqué un tollé dans l’opinion publique, d’autant que l’IGPN avait recommandé son passage en conseil de discipline pour usage jugé « disproportionné » de son arme de service. En théorie, cette procédure aurait dû empêcher toute mutation tant qu’elle n’était pas tranchée.
Un soutien préfectoral déterminant
Malgré l’avis de l’Inspection générale de la police nationale, la mutation a été facilitée par l’avis « particulièrement favorable » du préfet de police de Paris, Laurent Nunez, émis courant 2024. L’administration a finalement retenu que ce transfert était justifié « dans l’intérêt du service ». Un argument qui fait débat, notamment parce qu’il contourne un processus disciplinaire en suspens. Ce choix suscite l’indignation d’une partie des familles de victimes de violences policières, mais aussi de certains syndicats de magistrats.
Une affectation de bureau, sans port d’arme
Selon Sud-Ouest, le fonctionnaire occupe aujourd’hui un poste administratif, éloigné du terrain et sans port d’arme. Un compromis destiné à maintenir une activité professionnelle tout en respectant les conditions strictes de son contrôle judiciaire. « Il n’est pas jugé. Il a le droit d’exercer ses fonctions », a rappelé Louis Laugier, directeur général de la police nationale, sur RTL. Il estime que le maintenir à Paris aurait été dangereux, aussi bien pour lui que pour sa famille, en raison des menaces dont ils ont été l’objet depuis le drame.
Une famille de la victime toujours en attente de justice
Du côté de la famille de Nahel, l’émotion reste intacte, plus d’un an après les faits. Sa mère a récemment confié que son départ de France était suspendu à la tenue du procès, qu’elle espère comme un tournant décisif. L’instruction est désormais terminée et le procès devrait se tenir mi-2026, sauf si l’appel interjeté par le policier contre son renvoi devant les assises aboutit à un retournement. Mais en attendant, la procédure avance lentement, dans un climat de défiance palpable.
Une affaire toujours aussi sensible sur le plan politique
Le dossier Nahel, qui avait déclenché une vague de violences urbaines à l’été 2023, reste un marqueur fort des débats sur les violences policières et le racisme systémique. Cette mutation — même sans responsabilité opérationnelle — risque d’être perçue comme un signal d’impunité, dans une société déjà fracturée sur ces sujets. Alors que le gouvernement appelle au calme et à la confiance dans la justice, chaque décision administrative liée à ce dossier est scrutée avec une intensité extrême.
Une décision défendue, mais sous pression
En toile de fond, la direction de la police nationale tente d’équilibrer contraintes judiciaires et réalités humaines. Louis Laugier insiste : « Je ne pouvais pas le laisser là où il était. Ce n’était pas possible, ni pour lui, ni pour sa famille. » Mais pour nombre d’observateurs, cette mutation sape la portée symbolique de la suspension de port d’arme, et brouille le message d’une institution censée garantir la neutralité et l’exemplarité en période de procédure pénale.