Jusqu’à son dernier souffle, Thierry Ardisson aura orchestré sa vie — et sa mort — comme un scénario parfaitement écrit.
Décédé le 14 juillet 2025 à l’âge de 76 ans, l’Homme en noir laisse un vide dans le paysage médiatique français, mais aussi une dernière mise en scène à son image : ironique, élégante et résolument audacieuse.
Fidèle à son sens du spectacle, Thierry Ardisson a pris soin de préparer ses obsèques dans les moindres détails, y compris en rédigeant un faire-part aussi grinçant que stylisé, dévoilé le 16 juillet sur les réseaux sociaux et relayé notamment par Entrevue. Sur ce carton noir à l’esthétique sobre mais percutante, on pouvait lire : « Chers amis, chers ennemis, dernier bonsoir ! », une formule à double tranchant, parfaite synthèse de son humour mordant et de sa lucidité face à la mort.
Mais Ardisson ne s’est pas contenté d’une simple annonce. Il y impose son style jusqu’au bout, en demandant à ses invités de respecter un dress code noir et élégant, lunettes comprises, pour un dernier clin d’œil à son éternelle silhouette. Un adieu scénarisé, fidèle à ce personnage qui a toujours voulu maîtriser le cadre, les mots, et la lumière.
Une cérémonie réglée comme un générique de fin
Dans une interview accordée au Point le 9 juin 2025, l’animateur avait confié vouloir transformer son enterrement en un véritable acte de mise en scène, presque un épisode final de sa propre légende. Il évoquait alors avec légèreté : « J’aimerais que les trois femmes que j’ai épousées soient là. Ma famille aussi. Mes potes. De toute façon, quand je sentirai la mort approcher, j’écrirai tout. »
Et tout, il l’a écrit. L’église choisie : Saint-Roch, haut lieu parisien des obsèques du monde artistique. Les morceaux diffusés : « Lazarus » de David Bowie, l’un des ultimes chefs-d’œuvre de l’artiste britannique, et une reprise de « In My Life » des Beatles par Sean Connery, subtile touche de classe et d’humour british. Jusqu’à la dernière ligne de son faire-part, « Roch never dies », Ardisson aura mêlé le sacré et le second degré avec un panache inimitable.
Le soin d’un homme qui voulait tout contrôler
Plus qu’un adieu, cette cérémonie fut une déclaration de style, une ultime preuve qu’il était, jusqu’au bout, le maître de son image. Chaque détail fut pensé comme un élément de narration, chaque moment de la cérémonie, comme un plan parfaitement cadré. Il ne laissait rien au hasard : ni la musique, ni les tenues, ni l’ordre de ses volontés.
Ce besoin de contrôle dans la mise en scène de sa propre mort n’étonnera personne de la part de celui qui, durant toute sa carrière, a fait de la télévision une matière à manipuler avec art. Pour ses proches, à commencer par sa femme Audrey Crespo-Mara, ce fut un devoir de respecter avec précision cette vision, dans une fidélité absolue à l’homme qu’il fut.
Une empreinte télévisuelle et humaine indélébile
Au-delà de cette cérémonie minutieusement chorégraphiée, Thierry Ardisson laisse une empreinte profonde dans l’histoire des médias français. Avec des émissions comme Tout le monde en parle, Salut les Terriens ! ou 93, Faubourg Saint-Honoré, il a imposé un ton libre, impertinent, souvent provocateur, mais toujours singulier. Il savait recevoir, interroger, désarmer. Il savait aussi déranger. Et c’est peut-être ce qui le rendait si inoubliable.