L’Assemblée nationale a été le théâtre de tensions croissantes ce jeudi 19 juin, au lendemain de l’officialisation d’une commission d’enquête controversée impulsée par Laurent Wauquiez. Derrière l’initiative, une cible à peine voilée : La France insoumise. Et une polémique qui ne fait que commencer.
C’est une décision qui enflamme déjà les travées du Palais Bourbon. Mercredi 18 juin, après un premier rejet en commission des lois, la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les liens entre certains responsables politiques français et des réseaux propageant l’idéologie islamiste a été validée. À l’origine de cette résolution : le groupe Droite républicaine, mené par Laurent Wauquiez, qui entend « identifier les compromissions de certaines forces politiques avec les islamistes et les ennemis de la France », selon les mots du député LR.
En ligne de mire, sans jamais être nommée dans le texte final : La France insoumise, régulièrement accusée par la droite et l’extrême droite de complaisance envers certaines mouvances islamistes. Une initiative aussitôt dénoncée par la gauche comme une manœuvre politique, destinée à délégitimer un adversaire plutôt qu’à rechercher une quelconque vérité.
Rima Hassan ironise, Wauquiez contre-attaque
Sur les réseaux sociaux, la réaction la plus virale est venue de l’eurodéputée LFI Rima Hassan. Connue pour son engagement pro-palestinien, elle a réagi d’un laconique « Mdrr » (mort de rire), assorti du hashtag #soeurisme, un clin d’œil ironique au rapport récemment médiatisé sur « l’entrisme frériste » – une expression utilisée pour désigner une supposée infiltration des Frères musulmans dans les institutions françaises.
Piqué au vif, Laurent Wauquiez n’a pas tardé à répliquer. Dans un message acéré, il invite Rima Hassan à venir témoigner devant la commission, en évoquant ironiquement son récent voyage à bord du Madleen, un voilier intercepté par l’armée israélienne alors qu’il tentait d’approcher Gaza dans un geste humanitaire symbolique. « Vous n’aurez donc aucun problème à être auditionnée pour nous raconter l’organisation de votre croisière », a lancé le député, transformant la provocation en défi politique.
Des soutiens transpartisans… et une opposition déterminée
La résolution a reçu un soutien massif à l’Assemblée, notamment de la part des trois groupes macronistes, du Rassemblement national et des proches d’Éric Ciotti. À l’inverse, la gauche et le groupe centriste Liot s’y sont opposés, dénonçant un outil législatif instrumentalisé.
Gabrielle Cathala, députée LFI, dénonce un texte hypocrite : « Il ne mentionne plus LFI, mais tout le monde sait qui est visé. » Paul Christophle, député socialiste, va plus loin, qualifiant la démarche de « précédent dangereux ». Selon lui, cette commission « dévoyée » serait une attaque frontale contre l’un des piliers de la démocratie parlementaire : le droit de contrôle sans parti pris politique.
Une stratégie de survie pour Laurent Wauquiez ?
Derrière cette offensive, certains analystes y voient une tentative de repositionnement de Laurent Wauquiez, en quête de visibilité après plusieurs échecs électoraux. Affaibli, marginalisé au sein même de la droite traditionnelle, l’ancien président de la région Auvergne-Rhône-Alpes cherche à retrouver une centralité médiatique en surfant sur la thématique de la lutte contre l’islamisme — terrain qu’il partage désormais avec le RN.
Mais cette stratégie pourrait bien se retourner contre lui si l’instrumentalisation politique de la commission venait à être confirmée dans ses auditions. À vouloir trop montrer du doigt, le député LR s’expose à une contre-offensive des Insoumis, bien décidés à dénoncer un procès d’intention déguisé.
Une démocratie sous tension
Ce bras de fer illustre une polarisation accrue du débat public, où les commissions d’enquête, autrefois outils de contrôle rigoureux, sont perçues comme des armes de règlement de comptes. En ciblant un courant politique tout en prétendant ne viser personne, la droite renforce la défiance d’une partie des Français envers les institutions, comme le redoutent certains élus modérés.
Rima Hassan, par son ironie mordante, comme Laurent Wauquiez, par sa réponse cinglante, ont placé cette controverse au cœur du théâtre politique. Et la commission n’a même pas encore commencé ses auditions.