Des médicaments fréquemment prescrits pour des troubles courants comme la dépression, l’incontinence ou la maladie de Parkinson pourraient augmenter significativement le risque de développer une démence.
Les anticholinergiques, pris sur le long terme, sont aujourd’hui dans la ligne de mire des scientifiques et des autorités de santé.
Les anticholinergiques : un risque sous-estimé
Les anticholinergiques sont des médicaments qui bloquent l’action de l’acétylcholine, un neurotransmetteur essentiel à de nombreuses fonctions cognitives comme la mémoire, l’attention ou l’apprentissage. On les retrouve dans de nombreux traitements destinés à soulager les troubles urinaires, neurologiques, psychiatriques ou digestifs.
Mais selon une étude britannique publiée dans JAMA Internal Medicine, les personnes âgées de plus de 55 ans qui consomment ces médicaments sur de longues périodes verraient leur risque de développer une démence augmenter de près de 50 %. Une alerte qui relance le débat sur leur usage prolongé, surtout chez les personnes âgées.
Un lien entre consommation et démence confirmé
Menée par l’Université de Nottingham, cette étude a analysé les données de plus de 58 000 patients atteints de démence et 225 000 témoins. Résultat : 57 % des patients atteints avaient consommé des anticholinergiques dans les années précédant le diagnostic, contre 51 % dans le groupe témoin. Parmi les médicaments les plus concernés : des antidépresseurs, des traitements de l’hyperactivité de la vessie et certains médicaments contre les vertiges ou la maladie de Parkinson.
Les plus gros consommateurs présentaient un risque accru de 49 % de démence, comparé à ceux qui n’en avaient jamais pris. Cette association est encore plus marquée chez les personnes diagnostiquées avant 80 ans, ce qui souligne un impact potentiellement accéléré chez les plus jeunes seniors.
Des troubles cognitifs bien documentés
Les effets à court terme des anticholinergiques sont déjà connus : confusion, perte de mémoire, baisse de la vigilance. Mais l’étude du British Medical Journal, menée dès 2006 par une équipe Inserm à Montpellier, montre que même sans diagnostic de démence, les consommateurs réguliers présentent un risque cinq fois plus élevé de déclin cognitif modéré, affectant notamment la mémoire immédiate, le langage et le temps de réaction.
Près de 80 % des utilisateurs présentaient des troubles cognitifs modérés, contre seulement 35 % dans le groupe de non-utilisateurs. Cette détérioration, bien que modérée, peut fausser les diagnostics, et conduire à une prescription de traitements anti-démence pro-cholinergiques pour contrecarrer… les effets des anticholinergiques eux-mêmes.
Des médicaments largement utilisés
En France, près d’un million de personnes souffrent de la maladie d’Alzheimer et environ 200 000 nouveaux cas de démence sont diagnostiqués chaque année. Les anticholinergiques, souvent prescrits aux personnes âgées pour divers maux bénins, pourraient jouer un rôle non négligeable dans la progression de certains troubles cognitifs.
Les molécules mises en cause incluent des traitements contre :
La dépression
La maladie de Parkinson
L’épilepsie
L’hyperactivité de la vessie
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En revanche, l’étude ne montre aucun lien significatif avec les antihistaminiques ou certains traitements gastro-intestinaux, également classés parmi les anticholinergiques.
Un message de prudence, pas de panique
Le professeur Tom Dening, coauteur de l’étude, rappelle toutefois :
« Il est important que les patients ne cessent pas leur traitement sans avis médical. Une interruption brutale pourrait être bien plus nocive. » Les médecins doivent donc peser soigneusement le bénéfice-risque de ces prescriptions, notamment chez les plus de 55 ans ou les personnes à risque de démence.
En conclusion : plus de vigilance pour les prescripteurs
Ces résultats appellent à une réévaluation des usages chroniques d’anticholinergiques, et à un dialogue renforcé entre patients et professionnels de santé. Il est essentiel de surveiller les fonctions cognitives des patients âgés sous traitement, et de ne pas confondre les effets secondaires médicamenteux avec les premiers signes d’Alzheimer.
Un usage raisonné, une information claire et un suivi attentif sont les clés pour éviter que ces médicaments ne deviennent, à leur insu, des déclencheurs silencieux de la démence.