Alors que l’exécutif veut inclure les cures thermales dans son plan d’économies, la colère gronde dans les communes concernées.
Accusées d’inefficacité médicale, ces stations qui accueillent des milliers de patients chaque année risquent de perdre leur financement public. Un choix budgétaire qui soulève autant d’oppositions que d’inquiétudes économiques et sanitaires. Dans le cadre de son plan d’économies de 44 milliards d’euros, le gouvernement a annoncé vouloir réduire ou supprimer le remboursement intégral des cures thermales, aujourd’hui prises en charge à 100 % pour de nombreux patients atteints d’affections de longue durée (ALD). Cette décision, portée par la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités Catherine Vautrin, repose sur un double argument : le coût annuel de 350 millions d’euros pour l’Assurance maladie et une efficacité thérapeutique jugée peu concluante par les autorités.
Pourtant, la France est l’un des pays européens les plus engagés dans le thermalisme, avec 20 % du « capital thermal » du continent et un rang de troisième destination en termes de fréquentation. Ces chiffres attestent de l’ancrage historique et économique de la pratique, bien au-delà d’une simple tradition de soins de confort.
Des élus de terrain en alerte
En première ligne, les élus des communes thermales dénoncent une mesure brutale et déséquilibrée, qui met en péril une filière créatrice d’emplois et de recettes fiscales. Julien Dubois, maire de Dax (Landes), ville emblématique du thermalisme français, n’hésite pas à parler d’« une fausse bonne idée ». Pour lui, toucher aux remboursements reviendrait à fragiliser un secteur qui emploie 7 000 personnes et contribue directement à la vitalité de territoires souvent ruraux.
« Cette activité génère aussi des rentrées fiscales. Si on casse cet écosystème, on risque un effet boomerang sur les finances publiques », martèle l’élu. Loin d’un simple ajustement comptable, la mesure pourrait, selon lui, avoir des conséquences en cascade sur les commerces, les hôtels, les restaurants et toute l’économie locale.
Les patients vent debout contre le discours officiel
Du côté des patients, l’incompréhension domine, à commencer par ceux pour qui les cures thermales ont représenté un tournant dans leur parcours de santé. Cyril, 37 ans, asthmatique chronique, a témoigné sur RMC de l’impact salvateur de ces soins. « Sans la cure, je ne serais peut-être même plus là. Quand j’entends que ce n’est pas prouvé, je bondis », confie-t-il.
De l’âge de 12 à 18 ans, Cyril a suivi des cures thermales chaque année. Trois semaines intensives qui, selon lui, lui ont permis de stabiliser son asthme sévère et de réduire sa dépendance aux médicaments. « Aujourd’hui, je peux presque me passer de traitement pendant trois semaines si je ne suis pas exposé à des allergènes », explique-t-il.
Une efficacité sous-estimée ?
Ce témoignage, loin d’être isolé, pose la question de la reconnaissance médicale des bénéfices des cures thermales. Si certaines études scientifiques soulignent un manque de données robustes, d’autres montrent des améliorations significatives pour certaines pathologies chroniques, notamment en rhumatologie, dermatologie ou troubles respiratoires.
Pour les défenseurs du thermalisme, le problème vient davantage de la difficulté à standardiser ces traitements dans un cadre scientifique rigide, que de leur absence d’efficacité réelle. Et dans une période où l’on prône le recours à des solutions non médicamenteuses et durables, le choix de restreindre l’accès à un soin reconnu pour ses vertus préventives peut interroger.
Un coût à relativiser
En moyenne, une cure thermale revient à 560 euros par patient, une somme jugée modeste comparée au coût des hospitalisations ou des traitements médicamenteux à long terme. Réduire cet accès reviendrait, selon certains professionnels de santé, à accentuer les inégalités sociales, les patients les plus modestes étant ceux qui renonceraient les premiers à ces soins.
Pour Julien Dubois, cette logique court-termiste va à l’encontre d’une vision durable de la santé publique. « On détricote un pan du système de soins sans véritable contrepartie, au risque de déplacer le problème plutôt que de le résoudre. »
Une bataille politique et symbolique
Le sort des cures thermales ne fait donc pas seulement débat sur le plan économique. Il cristallise un affrontement entre gestion budgétaire stricte et santé globale, entre chiffres froids et réalités humaines. Si le gouvernement maintient son cap, le thermalisme pourrait bien devenir un nouvel étendard de la colère territoriale, dans ces villes moyennes qui voient s’éroder année après année leurs leviers d’attractivité.