Alors que la réforme des retraites est suspendue, le gouvernement de Sébastien Lecornu tente de reprendre la main sur le budget 2026. Mais derrière les chiffres et les promesses de rigueur, une réalité se dessine : celle d’un effort fiscal qui pèsera lourdement sur les ménages les plus modestes.
Le Premier ministre a présenté un projet de budget ambitieux, visant à réduire le déficit public sous la barre des 5 % dès 2026. Pour y parvenir, Matignon prévoit près de 30 milliards d’euros d’économies et une “année blanche”, marquée par un gel généralisé. Sont concernées : les prestations sociales, les pensions de retraite, la CSG et même les barèmes de l’impôt sur le revenu.
Une décision que le gouvernement justifie par la nécessité de “stabiliser les comptes publics”, mais qui, dans les faits, risque de pénaliser nombre de foyers déjà fragilisés par la hausse des prix. Car sans indexation sur l’inflation, les revenus augmentés mécaniquement feront basculer des milliers de contribuables dans l’impôt.
200.000 nouveaux foyers imposables
Selon les estimations, environ 200.000 ménages français deviendront imposables dès 2026. Il s’agit principalement de foyers dont les revenus se situent juste en dessous du seuil d’imposition et qui, à la faveur d’une petite augmentation de salaire, passeront la limite fatidique.
Prenons l’exemple d’un salarié gagnant 11.400 euros par an en 2025 : avec une hausse de 2 % — correspondant à l’inflation —, son revenu franchira la première tranche d’imposition. Résultat : il devra s’acquitter d’environ 14 euros d’impôt, une somme modeste en apparence, mais dont les conséquences sociales sont bien plus lourdes.
Une double peine pour les foyers modestes
Car devenir imposable, même symboliquement, entraîne la perte de plusieurs avantages sociaux. De nombreuses aides locales — comme la cantine à tarif réduit, le transport gratuit dans certaines communes ou encore les tarifs sociaux pour l’eau et l’énergie — sont réservées aux ménages non imposables. En franchissant ce seuil, ces familles perdront donc des bénéfices bien supérieurs au montant de leur impôt.
Cette “double peine” risque d’alimenter le sentiment d’injustice fiscale. D’autant que les classes moyennes inférieures, souvent déjà étouffées par les hausses successives de coûts, se retrouvent une fois de plus les grandes perdantes des arbitrages budgétaires.
Un État gagnant, des citoyens perdants
Le gel du barème ne touche pas seulement les foyers modestes. Les contribuables situés juste en dessous d’une tranche supérieure verront également leur impôt augmenter mécaniquement, sans véritable amélioration de leur pouvoir d’achat. En d’autres termes, les salaires progressent, mais les gains sont neutralisés par la fiscalité.
Cette stratégie pourrait rapporter près de 1,9 milliard d’euros supplémentaires à l’État, selon les estimations du ministère de l’Économie. Si Bercy s’en félicite, les experts soulignent que cette mesure revient à faire peser le redressement budgétaire sur les épaules des ménages, plutôt que sur la maîtrise structurelle des dépenses publiques.