Une phrase lâchée sans filtre, un secteur déjà à cran, et l’indignation qui monte en flèche.
En quelques heures, les propos de Sandrine Rousseau sur la rentabilité agricole ont cristallisé la colère d’un monde rural en quête de reconnaissance. Retour sur une polémique qui dépasse le simple champ lexical. Le vendredi 18 juillet, la colère agricole s’est exprimée en klaxons et en moteurs. Plusieurs tracteurs se sont rassemblés devant la permanence des Écologistes à Blois, répondant à l’appel de Coordination Rurale. En ligne de mire : Sandrine Rousseau, députée écologiste, dont la déclaration explosive — « je n’en ai rien à péter de la rentabilité des agriculteurs » — a mis le feu aux poudres. L’appel à manifester, largement relayé sur X, revendiquait la dignité paysanne : « Nous ne sommes pas des dealers, et notre argent n’est pas sale. »
Une tentative d’explication mal reçue
Face à la déferlante de critiques, Sandrine Rousseau a tenté de s’expliquer, sans vraiment convaincre. Sur le réseau Bluesky, elle a distingué la rentabilité du revenu, fustigeant une logique économique qui pousse à l’industrialisation, au détriment des agriculteurs et de la santé publique. Elle a plaidé pour une « socialisation partielle du revenu agricole », qui garantirait aux paysans une sécurité financière. Mais pour ses opposants, ces justifications sont arrivées trop tard, et trop théoriques.
Un secteur déjà sous pression
Ce que les propos de l’élue ont réveillé, c’est une blessure ancienne. Selon l’Insee, le revenu moyen des agriculteurs a chuté de 40 % en trente ans, et près de 18 % d’entre eux vivent désormais sous le seuil de pauvreté. Dans ce contexte, chaque mot compte. Et le monde agricole, déjà en souffrance, a reçu cette sortie comme une gifle. La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, n’a pas mâché ses mots : « Nos agriculteurs méritent respect et reconnaissance, pas le mépris. »
Un front uni contre l’élue écologiste
Au-delà des partis politiques, l’ensemble des grands acteurs agricoles s’est mobilisé pour dénoncer des propos jugés méprisants. Dans un communiqué commun, Jérôme Despey (Salon de l’Agriculture), Jacques Chazalet (Sommet de l’Élevage) et Didier Lucas (SPACE) ont fustigé « une diatribe oscillant entre déni, moquerie, méconnaissance et mépris ». Les éleveurs, céréaliers, arboriculteurs ou encore viticulteurs s’y sont reconnus, tous rassemblés dans une même indignation.
Rousseau contre-attaque… et s’isole
Plutôt que de reculer, la députée de Paris a contre-attaqué, accusant certains médias d’avoir « délibérément confondu rentabilité et revenu ». Elle a maintenu sa position en soulignant que l’agriculture ne devait pas être jugée à l’aune de sa rentabilité mais de sa capacité à nourrir la population tout en respectant le vivant. Ce discours, s’il fait écho à une vision écologiste de l’agriculture, semble très éloigné des réalités du terrain pour nombre d’agriculteurs, qui réclament d’abord un revenu digne.
Une fracture idéologique profonde
Derrière cette polémique, c’est une vision du monde agricole qui se heurte à une autre. D’un côté, une écologie politique critique du productivisme et favorable à des modèles alternatifs. De l’autre, des professionnels attachés à leur travail, à leur savoir-faire, mais épuisés par des années de précarité, de pression économique et de stigmatisation. Le fossé entre ces deux univers s’élargit, et les mots de Sandrine Rousseau sont venus en révéler toute la profondeur.
Un débat légitime, mais mal enclenché
Au fond, la question posée par l’élue écologiste — faut-il repenser les finalités de notre modèle agricole ? — est légitime. Mais le ton employé, brutal et désinvolte, a occulté le débat de fond. Ce que le monde rural attend, ce n’est pas seulement une critique du système, mais une écoute sincère, une reconnaissance concrète, et des politiques qui tiennent compte de leur quotidien.