Le 1er août 2003, la France découvrait avec horreur le destin tragique de Marie Trintignant, morte sous les coups de Bertrand Cantat.
Deux décennies plus tard, un documentaire diffusé sur Netflix ravive les mémoires et questionne notre société sur sa capacité à faire face à la violence conjugale. Le choc, lui, reste intact.
Tout a basculé dans la nuit du 26 au 27 juillet 2003, à Vilnius, en Lituanie. Un différend entre Bertrand Cantat et Marie Trintignant tourne au drame, dans la chambre d’hôtel qu’ils occupent ensemble. Le chanteur de Noir Désir frappe violemment sa compagne, la plongeant dans un coma irréversible. Rapatriée en urgence à Paris, l’actrice de 41 ans décède quelques jours plus tard, le 1er août. Ce féminicide choque le pays, d’autant plus que la notoriété des deux protagonistes donne à l’affaire un retentissement médiatique sans précédent.
Un procès controversé et une libération sous tension
Condamné en mars 2004 par la justice lituanienne, Bertrand Cantat écope de huit ans de prison pour « coups mortels ayant entraîné la mort sans intention de la donner », une qualification qui exclut l’accusation de meurtre. Il est incarcéré à la prison de Muret, près de Toulouse. En 2007, après avoir purgé un peu plus de la moitié de sa peine, il bénéficie d’une libération conditionnelle. Ce choix judiciaire, largement débattu, suscite un tollé.
Philippe Laflaquière, magistrat chargé de l’application des peines, explique dans La Dépêche avoir reçu des menaces avant même d’avoir statué. Pourtant, il affirme que toutes les conditions légales étaient réunies : comportement exemplaire, suivi psychologique, indemnisation des victimes, appui des experts et accord du parquet. Un cadre juridique rigoureux, mais qui n’a pas suffi à apaiser l’opinion publique.
Le documentaire Netflix : une plongée glaçante dans l’affaire Cantat
Depuis mars 2025, Netflix propose un documentaire en trois volets, intitulé « De rockstar à tueur : Le cas Cantat ». Ce travail, signé Anne-Sophie Jahn, Karine Dusfour, Zoé de Bussierre et Nicolas Lartigue, revient sur la carrière fulgurante de Bertrand Cantat et sur la chute vertigineuse qui a suivi la mort de Marie Trintignant. Mais il met aussi en lumière un second drame trop longtemps ignoré : le suicide, en 2010, de Krisztina Rády, ex-compagne du chanteur, mère de ses deux enfants, et victime présumée de violences psychologiques.
Le documentaire donne la parole à des témoins forts, comme la chanteuse Lio, l’une des premières à dénoncer l’omerta médiatique autour de l’affaire. Des archives bouleversantes, des témoignages intimes, et une remise en question du traitement du féminicide par les médias de l’époque permettent de comprendre comment un « crime passionnel » a pu longtemps occulter une réalité bien plus brutale.
Un homme en retrait, mais jamais oublié
Aujourd’hui âgé de 61 ans, Bertrand Cantat mène une vie discrète, entre Bordeaux et les Landes. Depuis le suicide de Krisztina Rády, il a obtenu la garde de leurs deux enfants, Milo et Alice. Il partage désormais sa vie avec une compagne dont l’identité demeure confidentielle. Sur le plan judiciaire, il n’a plus affaire à la justice, mais son nom reste marqué d’une empreinte indélébile.
Côté artistique, il a tenté un retour avec le groupe Détroit, fondé après sa sortie de prison. Leur album Horizons, sorti en 2013, signe la fin d’un long silence. Pourtant, malgré son envie de reconstruire, chaque apparition publique, chaque projet musical, ravive les plaies d’une affaire jamais totalement refermée.
Une libération sans privilège, selon la justice
Contrairement à ce que certains ont pu penser, Bertrand Cantat aurait pu bénéficier d’une sortie anticipée dès 2006, selon Philippe Laflaquière. Mais le chanteur s’y est opposé, préférant aller jusqu’au bout de sa détention pour éviter toute polémique supplémentaire. « J’aurais pu le libérer un an auparavant », confie le magistrat, mais Cantat ne souhaitait pas « le moindre traitement de faveur ».
Malgré cette volonté apparente de discrétion et de normalité judiciaire, l’ombre du drame continue de le suivre. Chaque tentative de retour sur scène, chaque mention de son nom, suscite de vifs débats. Et pour beaucoup, sa présence médiatique reste difficilement tolérable dans un contexte de lutte accrue contre les violences faites aux femmes.