Le documentaire choc de Netflix sur Bertrand Cantat rouvre les plaies d’un drame trop longtemps étouffé.
En retraçant le meurtre de Marie Trintignant, cette production ravive une question brûlante : peut-on réellement séparer l’œuvre de son auteur quand celle-ci est entachée de sang ? Le débat, lui, ne faiblit pas.
Un documentaire qui bouleverse l’opinion
En l’espace de quelques jours, le documentaire « De rockstar à tueur : Le cas Cantat » a cumulé près de deux millions de vues, provoquant une onde de choc dans l’opinion publique. Ce retour sur le féminicide de Marie Trintignant, tuée sous les coups de Bertrand Cantat en 2003, brise le silence autour d’une affaire que beaucoup préféraient oublier. Si certaines interventions marquent les esprits, d’autres suscitent un malaise. C’est notamment le cas de celle de Pascal Nègre, figure de l’industrie musicale, qui a été jugée complaisante par de nombreux téléspectateurs.
Lio, une voix courageuse mais punie
Parmi les rares personnalités à avoir dénoncé le traitement médiatique de l’affaire dès l’origine, la chanteuse Lio se distingue par une prise de position lucide et courageuse. Invitée dans l’émission C à Vous, elle a rappelé comment, dès 2003, elle avait parlé de féminicide quand la presse parlait encore de « crime passionnel ». Mais ce choix n’a pas été sans conséquences. Sa carrière a subi un violent contrecoup : contrats annulés, tournée sabotée, finances ruinées. « La maison de disques me trouvait folle et hystérique », confie-t-elle, soulignant l’isolement auquel elle a dû faire face. À Bordeaux, ajoute-t-elle, Cantat reste intouchable : « Personne ne parle ».
L’art peut-il absoudre un meurtrier ?
La question de la réhabilitation de Bertrand Cantat cristallise aujourd’hui les tensions. Yael Mellul, présidente de l’association Femme et Libre, a exprimé son indignation sur RMC dans l’émission Estelle Midi. Pour elle, la société ne peut pas faire comme si quelques années de prison effaçaient le meurtre d’une femme. « La vraie question, c’est celle de l’oubli », martèle-t-elle, en référence à cette volonté collective de tourner la page, voire de pardonner, sous prétexte de talent artistique. La réaction de Mellul illustre une fracture profonde entre les partisans du « pardon » et ceux qui refusent l’oubli au nom des victimes.
Un boycott symbolique mais significatif
Face à cette polémique, la radio Vibration a pris une décision forte et symbolique : ne plus diffuser aucune chanson de Bertrand Cantat, que ce soit en solo ou avec Noir Désir. Cette prise de position, annoncée sur leur site officiel, s’accompagne d’une réflexion assumée : « Peut-on encore séparer l’homme de l’artiste ? » Dans un article intitulé Pourquoi nous refusons de diffuser Bertrand Cantat, les programmateurs justifient leur choix : « Aucune mélodie, aucun texte, aussi beaux soient-ils, ne sauraient le justifier. » Selon eux, continuer à faire entendre la voix de Cantat, c’est entretenir une forme de déni collectif face aux violences conjugales.