Iconoclaste, libre et incandescente, Béatrice Dalle incarne depuis près de quarante ans une figure à part dans le cinéma français.
À rebours des conventions, elle poursuit une carrière aussi insaisissable qu’internationale, sans jamais perdre son franc-parler légendaire. Dernier coup d’éclat en date : un tacle bien senti contre le Festival de Cannes, qu’elle considère, à sa manière, comme une mise en scène creuse du glamour.
Tout commence avec une couverture. En 1985, l’agent Dominique Besnehard tombe sur une photo de Béatrice Dalle dans le magazine PHOTO. Une inconnue au regard félin, aux lèvres charnues, à l’attitude crue. Il flaire le diamant brut. Très vite, il l’envoie passer un casting pour un projet audacieux : 37°2 le matin, de Jean-Jacques Beineix.
Le film deviendra un phénomène. Face à Jean-Hugues Anglade, Béatrice Dalle incarne Betty, personnage à fleur de peau, troublant, violent, bouleversant. La critique est unanime, le public fasciné. Et sans le savoir, le cinéma français vient de donner naissance à une comète. Une actrice dont le magnétisme brut ne cessera plus d’interroger, de bousculer, d’obséder.
Une carrière hors des sentiers battus
Mais Béatrice Dalle n’a jamais voulu être une star au sens classique du terme. Pas de quête effrénée de rôles bankables, pas de tapis rouges inutiles. Elle refuse la lumière calibrée pour se lover dans l’ombre inspirée des cinéastes de la marge : Marco Bellocchio, Abel Ferrara, Nobuhiro Suwa, Jim Jarmusch. Elle travaille aussi avec Claire Denis, Christophe Honoré, Claude Lelouch… et même Michael Haneke.
À l’international, son aura grandit. Avant même que Marion Cotillard ou Mélanie Laurent n’ouvrent les portes d’Hollywood, Béatrice Dalle, elle, s’était déjà taillée une réputation de muse underground. En 2012, elle revient à ses racines punk en tournant Bye-Bye Blondie, adaptation signée Virginie Despentes, aux côtés d’Emmanuelle Béart.
Et pourtant, elle reste farouchement à l’écart de l’institution cannoise. Béatrice Dalle, fidèle à son style sans filtre, ne s’en cache pas : le Festival de Cannes ne la fait pas rêver. Elle n’en partage ni les codes, ni l’esprit, encore moins la posture. Pour elle, le tapis rouge brille mais n’a plus rien à dire.
Avec ce rejet de ce qu’elle appelle les faux-semblants du glamour, elle continue de cultiver son image d’artiste rebelle, qui préfère les plateaux exigeants aux flashes éphémères. Elle revendique le droit de ne pas plaire, de ne pas jouer le jeu, d’être là où elle choisit d’être, même si cela signifie parfois être absente des radars médiatiques.
Une femme libre, jusqu’au bout des mots
Béatrice Dalle, c’est aussi une parole rare, tranchante, mémorable. On se souvient de ses interviews face à PPDA ou Thierry Ardisson, où elle déstabilise, provoque, séduit, détonne. Sa voix est celle d’une époque révolue, mais qui ne cesse de revenir comme un rappel. Elle dit ce qu’elle pense, même si cela dérange — surtout si cela dérange.
C’est précisément cette intransigeance qui continue de faire d’elle une figure à part. À 59 ans passés, elle incarne toujours un cinéma libre, sans filtre, sans compromission. Un cinéma qui ne s’excuse pas d’exister. Et tant pis si ça ne rentre pas dans les cases.