Face à ses agresseurs, Gisèle Pélicot a trouvé la force de parler. À 73 ans, la septuagénaire a de nouveau affronté l’un d’entre eux devant la cour d’appel de Nîmes, livrant un témoignage d’une puissance rare.
Ses mots, pleins de dignité et de rage contenue, résonnent comme un cri de justice et de vérité après des années d’horreur et de silence. Le 8 octobre 2025, la salle d’audience de la cour d’appel de Nîmes a retenu son souffle lorsque Gisèle Pélicot, victime de viols répétés orchestrés par son mari, s’est adressée directement à l’un de ses agresseurs présumés. “Vous n’avez pas compris ce qu’est un viol”, a-t-elle lancé d’une voix ferme à Husamettin Dogan, 44 ans, ancien ouvrier du bâtiment. Condamné à neuf ans de prison en première instance, il avait choisi de faire appel.
Devant les juges, le prévenu s’est défendu maladroitement, affirmant n’avoir “jamais violé personne” et qualifiant les vidéos présentées à la cour de “scènes de sexe”. Des propos insoutenables pour la septuagénaire, qui a alors répondu, le regard droit : “À quel moment je vous ai donné mon consentement ? Jamais !” Une phrase lourde de sens, rappelant à l’accusé – et au tribunal – que le viol n’est jamais une simple affaire d’interprétation, mais un crime.
L’enfer d’une vie livrée aux bourreaux
Entre 2011 et 2020, Gisèle Pélicot a vécu un véritable calvaire orchestré par son mari, Dominique, condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Il la droguait avant de la livrer à des dizaines d’hommes, souvent recrutés via internet. Au total, 51 hommes ont été condamnés en 2024 pour viols et viols aggravés sur sa personne.
Ces années de séquestration et d’abus ont laissé des séquelles physiques et psychologiques irréversibles. “Je pensais que j’avais Alzheimer”, confie-t-elle à la cour, décrivant les pertes de mémoire liées aux drogues administrées par son époux. Elle a contracté quatre maladies sexuellement transmissibles et souffre aujourd’hui de graves complications médicales.
“Je dois subir une biopsie du col de l’utérus. On pense que ce sont des cellules cancéreuses”, a-t-elle révélé, bouleversant l’audience. Une nouvelle épreuve qui s’ajoute à des années de souffrance et de procédure.
Le courage d’une survivante
Depuis le début de cette affaire hors norme, Gisèle Pélicot s’est imposée comme un symbole de résilience. Son combat, d’abord solitaire, a fini par mettre au jour un système d’exploitation sexuelle d’une cruauté effrayante. Pendant des années, elle a tenté de comprendre les trous noirs de sa mémoire, les tâches suspectes sur ses vêtements, et les comportements étranges de son mari.
“J’ai dit un jour à Dominique : ‘Tu ne me drogues pas ?’ Il s’est mis à pleurer et m’a répondu : ‘Tu te rends compte de ce que tu dis ?’” raconte-t-elle. Ce n’est qu’après plusieurs années qu’elle découvrira l’ampleur de la trahison, des viols filmés à son insu, et des complices anonymes qui avaient profité de son inconscience.
Un procès pour tourner la page
Après quatre jours d’audience, le parquet a requis douze ans de réclusion criminelle contre Husamettin Dogan, alourdissant ainsi la peine prononcée en première instance. Pour Gisèle Pélicot, ce procès en appel n’est pas seulement une étape judiciaire : c’est une confrontation essentielle avec le passé.
“J’ai vécu cinq ans de procédures judiciaires. J’espère ne plus jamais mettre les pieds dans un tribunal”, confie-t-elle, épuisée mais déterminée. “Le mal est fait, je dois me reconstruire. Si j’ai pu donner de la force aux autres, c’est l’essentiel.”
Une voix qui réveille les consciences
Le témoignage de Gisèle Pélicot dépasse son histoire personnelle. Il rappelle la violence systémique et la solitude des victimes de viols conjugaux et collectifs, longtemps réduites au silence. Son courage inspire et oblige. En osant dire l’indicible, elle rend visible un fléau que la société peine encore à affronter pleinement.