Alors que la transparence du patrimoine des responsables publics reste un sujet brûlant en France, une nouvelle polémique éclabousse l’actuel ministre de l’Économie.
Éric Lombard est mis en cause par Le Canard Enchaîné pour des écarts troublants entre ses déclarations officielles et la réalité du marché immobilier, une affaire qui relance les débats sur les obligations de sincérité des élus. Selon Le Canard Enchaîné, Éric Lombard aurait minimisé la valeur de plusieurs biens dans sa déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Parmi les éléments mis en avant par le journal : une demeure située dans le Morbihan, achetée en 2004 pour 1,8 million d’euros, à laquelle s’ajoutent plus d’un million d’euros de travaux. Et pourtant, dans sa déclaration récente, le ministre n’en évalue la valeur qu’à 600 000 euros. Une estimation qui paraît pour le moins étonnante, surtout quand des professionnels de l’immobilier estiment la propriété entre 3,5 et 4 millions d’euros.
Le journal satirique s’interroge ouvertement : comment une telle « bicoque », rénovée et bien située, peut-elle valoir si peu après deux décennies ? Une question qui fait écho à d’autres controverses similaires sur les déclarations parfois opaques de responsables politiques.
Bercy dément toute irrégularité
Face aux accusations, le ministère de l’Économie a rapidement réagi par voie de communiqué. Il rappelle que la déclaration du ministre repose sur des règles strictes édictées par la HATVP, notamment en matière de détention. En l’occurrence, Éric Lombard ne posséderait que 50 % du bien… et uniquement en usufruit, et non en pleine propriété.
“Il ne s’agit pas d’une dépréciation mais d’un calcul conforme à la réglementation en vigueur”, insiste Bercy, qui publie d’ailleurs l’échange complet de questions-réponses avec Le Canard Enchaîné. Selon cette ligne de défense, le chiffre de 600 000 euros résulte d’un prorata fondé sur la nature juridique de la détention du bien.
Un autre bien immobilier également pointé du doigt
Le journal ne s’arrête pas là et dénonce également une sous-évaluation présumée d’un appartement parisien de 180 m², acquis en 2020. Le bien est déclaré pour un montant d’achat de 2,8 millions d’euros, mais la valeur vénale retenue dans la déclaration est, là encore, divisée par deux.
Une nouvelle fois, Bercy oppose le même argument : Éric Lombard n’en détiendrait que la moitié, ce qui justifierait, selon le ministère, la différence. Mais Le Canard Enchaîné s’étonne que la valeur estimée du bien soit si loin des prix du marché, même en tenant compte de la quote-part.
“Sacrée différence avec les prix du marché”, ironise l’hebdomadaire, sous-entendant qu’au-delà de la légalité stricte, une certaine opacité demeure dans la présentation des chiffres.
Une société de conseil familiale qui interroge
Enfin, Le Canard Enchaîné braque les projecteurs sur la société Halmahera, dirigée par l’épouse du ministre. Une entreprise qui, selon les informations du journal, n’emploie qu’une seule personne, n’a aucun client, mais dégage tout de même 6 millions d’euros de dividendes annuels.
Là encore, Bercy répond en affirmant qu’il s’agit d’une société d’investissement, dont l’activité consiste uniquement à détenir des participations, principalement au sein du groupement Greenstock. Ce dernier, affirme le ministère, fonctionne de manière autonome, sans que Halmahera ou ses actionnaires puissent influencer ses décisions.
“Aucune gestion directe, aucun pouvoir de décision sur les actifs détenus”, insiste l’entourage d’Éric Lombard, tentant d’éteindre les flammes d’un soupçon d’enrichissement indirect.
Au-delà des justifications juridiques, cette affaire soulève une question de fond : la perception d’un fossé entre la réalité des patrimoines et leur présentation officielle. Si les déclarations sont conformes aux règles, peuvent-elles pour autant être jugées sincères aux yeux des citoyens ?
Le cas Éric Lombard rappelle que la transparence, au-delà d’un simple exercice administratif, est un pilier de la confiance publique. Et que, face à l’œil acéré de la presse, même les subtilités du droit patrimonial peuvent susciter le doute lorsqu’elles côtoient l’opulence silencieuse de hauts responsables.