Anne Sinclair fait face à un deuil intime et profond. Ce lundi 2 juin, la journaliste a annoncé avec émotion le décès de son compagnon, l’historien et académicien Pierre Nora, à l’âge de 93 ans.
Un homme d’exception s’éteint, laissant derrière lui un héritage intellectuel immense et un amour discret mais puissant. C’est par un sobre communiqué transmis à l’AFP qu’Anne Sinclair a partagé la disparition de celui qui partageait sa vie depuis plusieurs années. « Anne Sinclair Nora a la douleur d’annoncer le décès de son époux Pierre Nora survenu le 2 juin 2025 », peut-on lire dans ce message chargé de chagrin. Cette perte survient après des années de complicité et d’union discrète entre deux figures majeures du paysage culturel et médiatique français.
À 93 ans, Pierre Nora laisse derrière lui l’image d’un homme érudit, exigeant, mais aussi profondément humain, dont les travaux ont façonné la mémoire collective française.
Une rencontre comme une renaissance
Après une séparation très médiatisée d’avec Dominique Strauss-Kahn, Anne Sinclair avait trouvé un nouvel équilibre auprès de Pierre Nora. Dans Vanity Fair en 2017, elle confiait avoir « retrouvé le bonheur depuis trois ans auprès d’un homme ». Ce compagnon, loin des feux de l’actualité politique, lui a offert un refuge, une respiration.
Leur histoire, construite loin des projecteurs, fut aussi une renaissance personnelle pour les deux. Interrogée sur le plateau de Quotidien en 2021, la journaliste décrivait Pierre Nora comme « un homme de grande qualité, qui m’a fait énormément de bien ». Et lui-même, dans Libération, affirmait que ce lien l’avait sauvé : « Je l’ai tirée de la dépression grave qui la menaçait. Elle m’a évité le pire. »
Deux êtres meurtris, unis par une tendresse réparatrice, ayant transformé leurs cicatrices respectives en une relation apaisée.
Une vie au service de la mémoire et de l’histoire
Né à Paris le 17 novembre 1931, Pierre Nora avait débuté sa carrière comme professeur d’histoire avant de s’imposer comme l’un des grands penseurs de la mémoire contemporaine. Il fut l’éditeur de nombreux intellectuels au sein des éditions Gallimard et fonda en 1980 Le Débat, revue d’idées devenue une référence incontournable jusqu’à sa disparition en 2020.
Son œuvre majeure, Les Lieux de mémoire, a profondément marqué la manière dont la France pense son passé collectif. À travers cette entreprise colossale, il a théorisé la relation intime entre mémoire, identité et histoire, et influencé des générations d’historiens.
Élu à l’Académie française en 2001, Pierre Nora fut également salué par de nombreuses distinctions : Grand officier de la Légion d’honneur, Commandeur des Arts et des Lettres… Son dernier ouvrage, Une étrange obstination, paru en 2022, témoignait encore d’une lucidité rare et d’un engagement intellectuel inébranlable.
Une mémoire intime qui s’éteint
Avant de partager la vie d’Anne Sinclair, Pierre Nora avait connu un autre grand amour avec Françoise Cachin, sa première épouse, disparue en 2011. Une blessure qu’il évoquait encore avec émotion : « Je ne peux pas en parler tant je suis affecté ». Mais le destin lui avait offert une seconde chance, et avec Anne Sinclair, il avait retrouvé le goût du bonheur simple, comme il le disait lui-même : « Regardez la femme merveilleuse dont je partage la vie ».
Aujourd’hui, Anne Sinclair perd bien plus qu’un compagnon : elle perd un repère, un pilier, une force silencieuse. Et la France, elle, perd un éclaireur de la pensée, un historien qui a su redonner sens à la mémoire, non comme un poids, mais comme un socle sur lequel bâtir la conscience collective.