Après plus de soixante années à scruter les coulisses du pouvoir, Alain Duhamel raccroche (presque) le micro. À 85 ans, l’éditorialiste emblématique tire sa révérence à l’antenne de BFMTV. Un départ à demi-mot, chargé d’émotion, de doutes et de promesses de liberté, mais aussi de craintes face au vide.
Après une carrière ininterrompue débutée dans les années 60, Alain Duhamel a présenté sa dernière émission sur BFMTV. Ce moment marquant sonne comme une fin de règne pour l’un des derniers géants du commentaire politique. L’homme, au verbe ciselé et à la mémoire encyclopédique, reconnaît sans détour l’ambivalence de cette transition.
« J’avais un mode de vie extrêmement strict et je vais découvrir la liberté », a-t-il déclaré dans un entretien au Figaro. Mais cette liberté tant attendue suscite déjà un trouble intérieur, presque une angoisse existentielle : « Je serai peut-être très déçu… » confie-t-il.
La peur du vide après une vie bien remplie
Loin de se contenter de l’enthousiasme poli qu’on prête souvent aux retraités, Alain Duhamel évoque, avec une rare sincérité, une crainte plus sombre : celle de mourir. « Peut-être que, comme beaucoup de gens qui ont beaucoup travaillé… ça va me faire mourir », lâche-t-il. Cette lucidité brutale, teintée d’une forme d’humour noir, souligne à quel point sa vie professionnelle a constitué son ossature identitaire.
Pour autant, il ne disparaît pas totalement de la scène médiatique. Il compte continuer à livrer ses analyses, mais de façon allégée. L’éditorialiste endossera désormais un rôle plus discret, hebdomadaire, qu’il considère comme un simple “hobby”.
Une pression conjugale salvatrice
Derrière ce retrait partiel, il y a aussi la voix de l’intime. Celle de France, son épouse, qui a milité – avec vigueur – pour qu’il ralentisse le rythme. « Il fallait que je divorce, soit avec BFM, soit avec ma femme. Elle m’a menacé », a-t-il confié sur BFMTV, dans un podcast enregistré à l’occasion de son départ.
C’est elle qui, lassée du réveil matinal et de l’agenda saturé, a imposé le virage. Le couple ne cache pas que cette décision a été discutée, voire disputée. Mais au fond, c’est un soulagement partagé qui émerge, celui d’un quotidien à réinventer, enfin.
Une retraite active, sous surveillance amoureuse
Invitée à témoigner dans C à vous, France Duhamel a décrit sans détour les habitudes rigides de son mari. « Le réveil sonne à 6 h 50. Je trouve ça un peu trop, je suis bien contente que ça s’arrête ! », a-t-elle lancé avec humour. Mais elle sait pertinemment qu’il ne coupera jamais vraiment avec la politique.
« Ça sûrement pas ! Ça va être autre chose », a-t-elle concédé, lucide mais fière. Une manière tendre de reconnaître qu’on ne fait pas taire si facilement une voix forgée par des décennies de passion démocratique.
À travers cette semi-retraite, Alain Duhamel tourne une page, mais garde son stylo en main. Pour commenter, questionner, et peut-être encore déranger, à sa manière, une République qu’il n’a jamais cessé d’interroger.