Figure iconique de toute une génération, Dorothée a su incarner bien plus qu’une animatrice : une grande sœur, une confidente, une initiatrice culturelle.
Derrière les chansons enfantines et les émissions à succès, se cache une femme au parcours étonnamment riche, parfois méconnu, mais profondément ancré dans l’imaginaire collectif français. Avant d’être le visage incontournable des émissions jeunesse, Dorothée – de son vrai nom Frédérique Hoschedé – a d’abord tenté sa chance dans le septième art. Peu nombreux sont ceux qui se souviennent qu’elle a tourné avec François Truffaut, l’un des géants de la Nouvelle Vague. En 1979, elle apparaît dans L’Amour en fuite, aux côtés de Jean-Pierre Léaud, puis dans La Gueule de l’autre, où elle joue une speakerine. Deux rôles modestes, mais révélateurs d’un certain magnétisme face à la caméra.
Cette incursion au cinéma reste brève mais significative. Elle témoigne de la polyvalence d’une artiste qui n’a jamais cessé de se réinventer. Pourtant, c’est à la télévision que Dorothée s’apprête à écrire les plus belles pages de sa carrière, dans une aventure qui marquera des millions de foyers.
Récré A2 : le premier rendez-vous d’une génération
C’est en 1978 que Dorothée entre véritablement dans la légende avec l’émission Récré A2. Diffusée sur Antenne 2, cette émission devient vite une bulle d’évasion pour les enfants. Elle y présente des programmes variés, chante, danse, échange avec les jeunes téléspectateurs. Son ton naturel et bienveillant séduit un public fidèle, qui voit en elle bien plus qu’une simple animatrice.
Durant près de dix ans, elle est la complice d’une jeunesse avide de rêve et de fantaisie. Mais l’apogée de cette relation fusionnelle arrive en 1987, lorsque TF1 lui confie un nouveau créneau qui deviendra culte : Le Club Dorothée.
Le Club Dorothée : une révolution culturelle
Dès son lancement, le Club Dorothée explose tous les compteurs. Diffusé le mercredi matin, les week-ends et pendant les vacances, il devient une institution. Avec ses compagnons Ariane, Jacky, Corbier et Patrick, Dorothée forme une bande soudée qui amuse et instruit, tout en bouleversant la grille télé.
Mais ce sont surtout les dessins animés japonais – Goldorak, Dragon Ball, Les Chevaliers du Zodiaque – qui font entrer l’émission dans la légende. En introduisant la culture manga en France, Dorothée joue un rôle précurseur. Elle ouvre les portes d’un imaginaire foisonnant à toute une génération, qui découvre un univers bien différent des productions occidentales.
Cette audace, pourtant, ne plaît pas à tout le monde. Certains parents, responsables politiques ou critiques médiatiques dénoncent la violence de ces programmes et leur supposée nocivité pour les enfants. La controverse enfle, mais Dorothée ne fléchit pas. Elle défend ses choix avec fermeté, expliquant que ces dessins animés comblaient un vide dans l’offre française de l’époque.
Un clash télévisé devenu emblématique
En 2010, alors qu’elle tente un retour sur scène, Dorothée est invitée sur le plateau de On n’est pas couché. Face à Éric Zemmour, elle se retrouve attaquée sur son rôle dans la “japonisation” des écrans français. Le chroniqueur, fidèle à son ton polémique, lui reproche d’avoir importé des contenus inadaptés.
Dorothée ne se démonte pas : « Ce n’est pas moi qui ai décidé que cela allait être des séries cultes. Il n’y avait rien de français à l’époque. Il fallait bien mettre quelque chose à l’antenne », rétorque-t-elle. Une réponse franche et lucide, qui souligne une réalité souvent oubliée : son travail fut aussi celui d’une pionnière confrontée à l’absence de production nationale.
Une empreinte ineffaçable dans la mémoire collective
Aujourd’hui, Dorothée reste une référence pour tous ceux qui ont grandi dans les années 80 et 90. Sa voix, son sourire, sa générosité continuent de résonner avec émotion. Son parcours, entre variété, télévision et engagement, a façonné le paysage médiatique jeunesse comme nul autre.
Au-delà des polémiques, elle demeure la femme qui a su rassembler, émerveiller et éduquer avec sincérité. Une deuxième maman pour des millions d’enfants devenus adultes, qui n’ont jamais cessé de lui dire merci.