L’affaire avait bouleversé toute une région : la disparition d’Agathe Hilairet, jeune joggeuse de 28 ans, avait mobilisé des centaines de personnes pendant plusieurs semaines au printemps dernier. Désormais, un suspect au passé lourd est mis en examen, relançant le débat sur le suivi judiciaire des criminels sexuels récidivistes.
Vendredi, Didier L., 59 ans, a été présenté à un juge d’instruction après deux jours de garde à vue. Cet ouvrier agricole domicilié à Vivonne est soupçonné du meurtre d’Agathe Hilairet, retrouvé en mai dernier dans un sous-bois près de Poitiers. La procureure de Poitiers, Rachel Bray, a confirmé dans un communiqué que l’homme est poursuivi pour « meurtre précédé d’enlèvement et séquestration ». Le parquet demande son placement en détention provisoire. Selon son avocat, Aurélien Bourdier, cité par TF1 et BFM, Didier L. aurait reconnu « deux coups » portés à la victime, mais nie toute intention homicide.
Des preuves accablantes et un profil inquiétant
L’ADN d’Agathe a été identifié dans le véhicule du suspect, un élément crucial qui renforce sa mise en cause. Didier L. admet avoir été en contact avec la joggeuse et présent sur les lieux. Son profil avait déjà intrigué les enquêteurs : inscrit au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS), il est sorti de prison en avril 2024 après 21 ans derrière les barreaux. Depuis octobre, il faisait l’objet d’un suivi judiciaire strict : injonction de soins, résidence surveillée, interdiction d’armes et de contact avec ses anciennes victimes.
Un passé marqué par deux condamnations pour viol
Ce quinquagénaire n’en est pas à sa première affaire. En 1994, il avait été condamné à douze ans de prison pour le viol d’une joggeuse, commis sous la menace d’une arme. En 2003, il récidive : profitant d’une permission de sortie, il agresse et viole une autre joggeuse dans le Puy-de-Dôme. Cette fois, il écope de trente ans de réclusion avec deux tiers de sûreté. Libéré sous aménagement de peine après 21 années, il vivait depuis à Vivonne, où il travaillait dans l’agriculture.
Une disparition qui avait mobilisé toute une région
Le 10 avril dernier, Agathe Hilairet quitte la maison familiale pour son jogging habituel. Ne la voyant pas revenir, son père alerte la gendarmerie. Immédiatement, une enquête pour « disparition inquiétante » est ouverte. Dans les jours qui suivent, d’importants moyens sont déployés : hélicoptères, drones, plongeurs, équipes cynophiles et près de 300 volontaires fouillent la région. Pendant trois semaines, les recherches restent vaines, jusqu’à ce qu’un promeneur découvre le corps d’Agathe le 4 mai dans un sous-bois au sud de la zone initiale.
Des indices révélateurs et un travail d’enquête titanesque
L’autopsie ne permet pas de confirmer un étranglement, mais les données GPS montrent que le corps a été déplacé après la mort. La montre connectée de la victime révèle un pic brutal de fréquence cardiaque avant un arrêt cardiaque survenu à plus d’un kilomètre de l’endroit où elle a été retrouvée. Les enquêteurs vérifient 7.000 signalements, analysent 1.200 heures de vidéosurveillance, écoutent 22 lignes téléphoniques, surveillent 10 véhicules et réalisent 1.000 auditions. Leur persévérance permet de remonter jusqu’à Didier L., dépourvu d’alibi solide le jour de la disparition.
Des questions sur le suivi des récidivistes
Cette arrestation relance un débat sensible : le suivi et la réinsertion des criminels sexuels récidivistes. Libéré à peine un an avant les faits et soumis à des obligations strictes, Didier L. a pourtant pu approcher et agresser une nouvelle victime. Le drame d’Agathe Hilairet soulève des interrogations sur l’efficacité des dispositifs de surveillance et sur les failles possibles dans la prévention des récidives graves.