Depuis son score notable aux européennes, Raphaël Glucksmann affine avec méthode une ambition politique qu’il refuse encore d’officialiser : incarner en 2027 l’alternative crédible à gauche, face à La France Insoumise.
Tout en cultivant la nuance, l’eurodéputé social-démocrate dévoile les contours d’un projet structuré, à l’heure où la gauche cherche toujours sa figure de rassemblement. Discret depuis plusieurs mois, Raphaël Glucksmann sort de l’ombre avec « l’acte 1 » de sa vision pour la France, dévoilé ce lundi à Paris. Ce document programmatique, fruit d’un travail de fond mené avec 200 experts et 2 000 militants de Place publique, vise à donner une colonne vertébrale idéologique à un camp social-démocrate encore en quête d’incarnation forte.
« Il fallait bosser sur le fond », confie un proche, soulignant une différence assumée avec l’approche souvent plus flamboyante de la gauche radicale. Dans l’ombre, Glucksmann a lu, consulté, sillonné les territoires, avec pour objectif de ne pas arriver les mains vides si l’actualité précipitait une recomposition politique, voire une nouvelle dissolution.
50 propositions pour poser une « identité politique »
« Notre projet est centré sur le travail et les travailleurs », affirme Glucksmann. Ce manifeste, qualifié de socle idéologique, entend s’éloigner des formules vagues pour proposer des chantiers précis :
Une « société du prendre-soin », concept transversal qui irrigue les propositions en matière de santé, d’éducation et de solidarité.
Un plan de réindustrialisation verte, articulé autour d’un patriotisme économique et climatique.
Un nouveau contrat social, repensant les droits des salariés et les formes de travail.
PUBLICITÉ:Un « contrat démocratique », visant à régénérer les institutions et à rendre la République plus transparente.
Un plan d’urgence pour l’école, que Place publique estime au bord de la rupture.
Sarah Pigeaud, coordinatrice du projet, promet un second temps fort à l’automne, à La Réole, avant un programme final en juin 2026. Glucksmann, lui, insiste : « Ce n’est pas encore un programme présidentiel. » Pas encore, mais la démarche en a clairement l’allure.
Ni primaire, ni union forcée
Raphaël Glucksmann rejette l’idée d’une union artificielle de la gauche. Pour lui, l’unité entre son camp et celui de Jean-Luc Mélenchon est une « hypocrisie ». Il assume l’existence de deux pôles : l’un radical, celui de LFI, et l’autre démocrate, social et écologiste, qu’il entend incarner.
Il se refuse également à participer à une primaire, préférant laisser la dynamique sondagière faire émerger un vote utile autour de sa personne. Une stratégie que certains à gauche critiquent, comme François Ruffin, qui l’accuse de « refuser que le peuple de gauche vote » et de privilégier une logique d’investiture par plébiscite médiatique.
À ses détracteurs, Glucksmann oppose la méthode. Celle qui consiste à « dire qui on est », structurer une offre, proposer une alternative crédible au brouhaha ambiant. Et surtout à capitaliser sur un socle électoral solide depuis son score aux européennes, où il est arrivé en tête de la gauche avec 13,8 %.
Une visibilité renforcée… et des soupçons d’incompatibilité
L’annonce de la nomination de sa compagne, Léa Salamé, à la présentation du 20h de France 2, a ravivé les soupçons de conflits d’intérêts. Le couple affirme cloisonner vie publique et vie privée, et la journaliste s’est déjà engagée à se mettre en retrait si Glucksmann devenait candidat.
Pour l’heure, le leader de Place publique continue d’esquiver les déclarations de candidature, mais ne cache plus ses intentions. Il se dit prêt à « y laisser sa peau » pour que son courant gagne en 2027. Un positionnement de plus en plus clair, qui place désormais la balle dans le camp du Parti socialiste.