C’est une histoire tristement familière pour de nombreux propriétaires en France. À Poitiers, un homme de 95 ans a vu sa maison occupée illégalement pendant plus d’un an.
À son retour, il découvre un logement insalubre et une facture astronomique. Derrière cette affaire, c’est tout le débat sur l’efficacité de la loi anti-squat qui ressurgit.
Tout commence lorsqu’un nonagénaire poitevin est alerté par la mairie : sa maison située en centre-ville est squattée. Dans l’urgence, il saisit le préfet de la Vienne pour demander une expulsion immédiate, conformément à la loi anti-squat promulguée en 2023. Mais le 10 septembre 2024, le préfet refuse, estimant que l’occupation ne résulte pas d’une voie de fait ou de violence avérée.
Un coup dur pour le propriétaire, déjà fragilisé par l’âge, et qui assiste impuissant à la détérioration de son bien, alors qu’il n’a plus le droit d’y mettre les pieds.
17 000 euros de dégâts à la clé
Ce n’est qu’en février dernier que l’homme récupère enfin les clés de son logement. Sur place, le constat est accablant : câbles arrachés, canalisations fracturées, inondations, moisissures… La maison est inhabitable. L’un des dégâts les plus coûteux est lié à une fuite d’eau persistante, que le propriétaire n’a pas pu interrompre, car la loi impose de maintenir l’accès à l’eau même aux occupants illégaux.
Résultat : une facture de 17 000 euros à régler à l’agglomération de Poitiers, pour une consommation dont il n’est pas responsable.
Une impasse légale malgré la « loi anti-squat »
L’avocat du retraité, Me Georges Hemery, dénonce une aberration juridique et morale. Il estime que la collectivité, en interdisant la coupure d’eau, devrait assumer la facture. « La contrepartie logique à cette interdiction, c’est que l’État ou la commune prenne en charge les frais engendrés par l’occupation », martèle-t-il.
Ce cas illustre les limites concrètes de la loi anti-squat, censée faciliter les procédures d’expulsion. Malgré un durcissement législatif, les préfets disposent toujours d’un pouvoir discrétionnaire, et les démarches restent longues et aléatoires.
Un drame humain et matériel
Au-delà des dégâts matériels, c’est la violence psychologique subie par ce propriétaire âgé qui interpelle. Après plus d’un an d’occupation illégale, il retrouve une maison détruite, des factures lourdes et aucune garantie de réparation.
L’avocat envisage désormais des poursuites judiciaires contre les squatteurs, mais la procédure s’annonce longue, coûteuse, et sans assurance de remboursement. « Aujourd’hui, la maison n’est plus habitable. C’est un cauchemar administratif et humain », résume Me Hemery.
Une loi encore fragile face à la réalité
Selon les données du ministère du Logement publiées en juillet 2024, les expulsions liées au squat ont triplé en deux ans, et les saisines préfectorales quadruplé. Des chiffres encourageants, mais le sentiment d’injustice persiste chez de nombreux propriétaires, à l’image de cette affaire à Poitiers.
Christophe Demerson, fondateur du think tank des petits propriétaires, nuance les progrès réalisés : « La loi a mis un peu d’huile dans les rouages, mais le préfet a toujours la main. Si le squatteur refuse de partir, le blocage demeure. »
Alors que le nonagénaire tente de rebâtir une vie après le chaos, son cas soulève une question plus large : qui protège réellement les propriétaires face au squat ? Peut-on parler d’État de droit quand une victime paie pour les actes d’occupants illégaux, sans soutien automatique de la collectivité ?