À 82 ans, Marie-José, une retraitée française, a tout quitté pour s’envoler en Côte d’Ivoire avec un homme de 28 ans rencontré sur Internet.
Depuis, plus de 100 000 euros se sont évaporés. Derrière une romance exotique, une possible arnaque affective, que son fils dénonce avec désespoir, dans l’indifférence glaçante des autorités. L’histoire commence à l’été 2024, dans la commune paisible de Bois-Guillaume. Marie-José, veuve pour la seconde fois, ancienne nourrice, vient de traverser deux chocs : la perte d’une amie proche et l’euthanasie de son chien. Son fils Xavier, venu lui remonter le moral, la trouve distante, absorbée par sa tablette. Peu après, elle lui présente en visio un certain “Christ”, jeune homme ivoirien de 28 ans, qu’elle croit d’abord être le célèbre animateur Frédéric Lopez.
Dévoilé dans le mensonge, le jeune homme n’est pas rejeté, au contraire. Marie-José s’accroche à cette relation virtuelle, qui prend une tournure bien plus concrète : en septembre, elle part secrètement pour Abidjan, sans prévenir ni son fils, ni ses petites-filles, ni ses amis. Depuis, les appels sont rares, les échanges souvent confus, et la réalité de sa nouvelle vie inquiétante.
Une fuite qui inquiète, un fils impuissant
Pour Xavier, il ne fait aucun doute : sa mère est sous emprise. Les photos reçues la montrent souriante, mais diminuée, amaigrie, les jambes gonflées, désorientée. Elle raconte s’être écroulée de fatigue, réveillée perdue dans une chambre inconnue. Diabétique, hypertendue, elle semble ne plus recevoir de soins appropriés.
Ses relevés bancaires sont alarmants : plus de 3 000 euros envolés chaque mois en quelques jours. Virements, achats de véhicules, factures… Marie-José est, selon son entourage, vidée de ses ressources. Elle tente même de débloquer son assurance-vie, signe que les sommes engagées dépassent déjà les 100 000 euros. Et pourtant, face aux alertes répétées de Xavier, les institutions françaises restent sourdes.
Aucune réponse des autorités, malgré les alertes
Deux plaintes déposées en France, cinq signalements au parquet de Rouen : toutes classées sans suite. Pour Me Nadège Fusina, avocate de la famille, c’est un abandon inacceptable. « Même pas un contact avec l’ambassade, aucune diligence. La vie d’une femme de 82 ans est en jeu, et personne ne bouge », dénonce-t-elle.
À Abidjan, l’ambassade de France aurait convoqué Marie-José et son compagnon, mais sans résultat probant. Un diplomate glisse que la vieille dame serait bien « sous emprise », comme d’autres avant elle. Car le scénario est connu des autorités : relations affectives entretenues par des “brouteurs”, jeunes escrocs spécialisés dans les arnaques sentimentales, qui vivent du portefeuille de retraités français.
Quand l’argent vient à manquer, les victimes sont simplement déposées devant l’ambassade.
Un système rodé, des victimes multiples
Marie-José n’est pas la seule. Françoise, 72 ans, également veuve, dit avoir perdu 40 000 euros après avoir été mise en relation avec elle. Aujourd’hui encore, elle entretient le contact pour ne pas « la perdre de vue », consciente que Marie-José n’est « pas lucide ». Le cas de la retraitée française révèle un système bien huilé, cruel et efficace, où des individus repèrent la solitude, manipulent l’affect, et vident les comptes.
Là où certains voient une histoire d’amour tardive, Xavier, lui, voit une descente aux enfers. Il alerte, supplie, appelle. Dernier échange avec sa mère : un « Maman, je t’aime et je veux que tu reviennes », raccroché au nez. Il n’abandonne pas, mais l’espoir s’effrite : « Elle a détruit toute une famille. Mais j’espère qu’il n’est pas trop tard », confie-t-il, le cœur en miettes.
Une urgence silencieuse, une responsabilité collective
Cette affaire soulève une question majeure : que fait l’État face aux dérives numériques qui brisent des vies ? Entre insouciance administrative et invisibilité du phénomène, les arnaques sentimentales ciblant les personnes âgées se multiplient. Solitude, vulnérabilité, isolement numérique… les proies sont nombreuses, et les réponses judiciaires, trop souvent absentes.